Sanctuaire d'un écosystème fragile, les marais de la Louisiane, qui ont déjà été détruits sur près de 55 km par la marée noire dans le golfe du Mexique, risquent d'être défigurés pendant des décennies, s'inquiètent des experts.

Le brut a atteint les marais de la Louisiane mercredi et 55 kilomètres de bayous et de plages de l'État ont été souillés. «Tout est mort», a déclaré jeudi Billy Nungesser, le président du comté le plus touché par le pétrole qui s'écoule depuis le 22 avril dans le golfe du Mexique.

«Il n'y a plus de vie dans ce marais. On ne pourra pas nettoyer», a-t-il dit sur la chaîne MSNBC.

Revenant d'un tour en bateau dans l'estuaire du Mississippi, le gouverneur de la Louisiane, Bobby Jindal, avait par ailleurs lancé mercredi: «le jour que nous avions tous craint est arrivé aujourd'hui».

«Le pétrole (lourd) est là, et nous devons agir maintenant», a déclaré l'élu un mois après l'explosion de la plateforme Deepwater Horizon, soulignant que «fondamentalement la marée noire menace le mode de vie de la Louisiane».

Labyrinthe de canaux et d'étangs, les bayous de cet État méridional représentent 40% des marais des États-Unis. Largement inhabités, ils constituent une halte de choix pour les oiseaux qui migrent et sont le berceau d'une vie marine riche et diversifiée.

Poissons, crevettes, huîtres, moules ou crabes: l'industrie halieutique de l'État représente 2,4 milliards de dollars par an.

Et avec l'infiltration croissante du pétrole, cet écosystème risque d'être mis à mal pour des décennies, s'inquiètent scientifiques et écologistes.

«On commence juste à voir arriver du pétrole dans les marais et cela va avoir un énorme impact pour des années, si ce n'est des décennies», déclare à l'AFP John Hocevar, biologiste chez Greenpeace.

Le brut «va affecter les poissons, la faune et la flore du golfe» du Mexique, abonde le Dr. Steve Murawski, vétérinaire à l'Agence américaine des parcs nationaux.

Ingérés par le plancton, les poissons, crustacés et autres tortues de mer, les produits toxiques contenus dans le pétrole, qui continue de se déverser dans les abysses du golfe du Mexique, va se répandre dans la chaîne alimentaire, s'inquiètent-ils.

Entre autres, le sort des thons rouges est préoccupant car «la marée noire a lieu en plein milieu de leur période de reproduction», indique M. Hocevar.

Et face au travail herculéen que représente la décontamination des marais, les grands moyens sont envisagés, alors que près de 20 000 personnes participent aux opérations menées sur les côtes de la Floride, d'Alabama, du Mississippi et de la Louisiane.

Si le nettoyage du rivage avec de l'eau et des écumoires ne suffit pas, les autorités pourraient mettre le feu aux marais souillés. «En dernier recours», souligne le capitaine des garde-côtes Edwin Stanton, qui dirige les secours en Louisiane, lors d'un entretien accordé à l'AFP.

«Nous l'avons déjà fait par le passé, c'est une tactique acceptable pour enlever le pétrole. Mais on ne peut le faire qu'une seule fois», dit-il, affirmant que «la végétation des marais repoussera ensuite».

Cette solution «pourrait causer plus de dommages que si on laissait le pétrole se dégrader naturellement», pense LuAnn White, scientifique à l'Université Tulane de La Nouvelle-Orléans.

De toute façon, «le mal est déjà fait», pense John Hocevar.

Le biologiste de Greenpeace ajoute: «En Alaska, 20 ans après (le naufrage du pétrolier) Exxon Valdez, la faune continue toujours d'ingérer le pétrole provenant de cette marée noire. Et la marée noire qui touche le golfe du Mexique actuellement est bien plus importante».

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