Assis côte à côte dans le Bureau ovale - image longtemps inimaginable -, Barack Obama et son successeur Donald Trump se sont efforcés jeudi de mettre de côté des mois de campagne acrimonieuse, insistant sur leur volonté de mener une transition apaisée.

« Monsieur le président, c'était un grand honneur d'être avec vous », a déclaré sur un ton très posé, presque intimidé, le républicain élu mardi après avoir largement mené sa campagne sur une rhétorique incendiaire.

L'extravagant milliardaire populiste, qui prendra ses fonctions le 20 janvier, s'est dit impatient de recevoir les conseils de celui qu'il avait qualifié de « président le plus ignorant de l'histoire ».

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M. Obama a évoqué de son côté « une excellente conversation » avec celui dont il a dit, il y a quelques jours, qu'il représentait une menace pour la démocratie américaine. « Nous voulons faire tout ce que nous pouvons pour vous aider à réussir », a-t-il ajouté à l'issue de ce tête-à-tête de 90 minutes.

Les deux hommes, qui se sont serré la main après s'être exprimés devant les journalistes, n'ont répondu à aucune question. Mais ils ont plaisanté au moment où la presse quittait la pièce : « Une bonne règle : ne répondez pas aux questions quand ils commencent à crier », a dit en souriant M. Obama, se penchant pour donner une petite tape sur le bras de l'homme d'affaires new-yorkais.

Le tribun populiste de 70 ans, qui sera le plus vieux président à entrer à la Maison-Blanche, n'a jamais occupé de fonction élective.

Interrogé sur l'atmosphère dans le Bureau ovale, Josh Earnest, porte-parole de M. Obama, a affirmé que la rencontre avait été « un peu moins étrange que ce à quoi certains s'attendaient ».

Donald Trump s'est ensuite rendu sur la colline du Capitole pour rencontrer les deux hommes qui seront chargés de transformer en lois le programme du 45e président américain : Paul Ryan, président de la Chambre des représentants, et Mitch McConnell, chef de la majorité du Sénat.

Les chefs du Congrès n'avaient pas caché leurs réserves face au candidat Trump, mais ils ont chacun promis de travailler main dans la main avec le prochain locataire de la Maison-Blanche, notamment pour abroger la réforme Obama du système de santé.

« J'ai hâte de commencer »

« Nous allons faire des choses spectaculaires pour les Américains, j'ai hâte de commencer. Franchement, dès que possible », a déclaré M. Trump.

L'élection surprise de Donald Trump, portée par la colère d'un électorat se sentant ignoré des élites et menacé par la mondialisation, a brisé les rêves de la démocrate Hillary Clinton, que tous les sondages donnaient gagnante, de devenir la première femme à accéder à la présidence.

Mais elle menace aussi le bilan de Barack Obama (climat, assurance maladie, libre-échange...) dont la cote de popularité est, cruel paradoxe pour lui, au plus haut.

Wall Street était orienté à la hausse jeudi, s'attachant aux aspects positifs du programme d'un candidat dont elle redoutait pourtant la victoire depuis plusieurs mois. Les Bourses européennes ont terminé en légère baisse.

L'agence S&P Global Ratings a confirmé jeudi la note « AA » » accordée à la dette américaine, estimant que les institutions du pays étaient suffisamment solides pour compenser « le manque d'expérience » et les « incertitudes » sur le programme du 45e président des États-Unis.

Michelle Obama s'est de son côté entretenue, à huis clos, avec la très discrète Melania Trump. Les deux femmes ont eu une « excellente conversation », selon Barack Obama.

Première « First Lady » noire de l'histoire américaine, Michelle Obama, 52 ans, ancienne avocate diplômée de Harvard, quittera la Maison-Blanche avec une cote de popularité au zénith.

Ancienne mannequin d'origine slovène, Melania Trump, 46 ans, est restée discrète durant la campagne, préférant rester chez elle dans son triplex en haut de la tour Trump à New York, pour s'occuper de Barron, 10 ans, le fils qu'elle a eu avec Donald Trump.

« Notre démocratie l'exige »

Le vice-président Joe Biden devait recevoir en début d'après-midi son successeur, Mike Pence, qui se décrit comme « chrétien, conservateur et républicain... dans cet ordre ».

Après avoir quitté la Maison-Blanche, Donald Trump, qui travaille à la mise en place de ses équipes, a rencontré l'homme fort du Congrès, Paul Ryan, président de la majorité républicaine de la Chambre des représentants.

Les deux hommes entretiennent des relations difficiles : M. Ryan avait annoncé en pleine campagne qu'il ne défendrait plus le candidat républicain puis a finalement voté pour lui.

M. Trump aura pour gouverner l'appui du Congrès, le Sénat et la Chambre des représentants ayant conservé leur majorité républicaine.

Le magnat de l'immobilier, qui s'est appuyé durant la campagne sur une équipe très réduite dans laquelle ses enfants jouaient un rôle central, doit mettre les bouchées doubles pour être opérationnel le 20 janvier.

Sous le choc, des milliers d'Américains se sont rassemblés mercredi soir dans une dizaine de villes, de New York à Los Angeles en passant par Washington, pour dénoncer les vues racistes, sexistes et xénophobes, selon eux, de Donald Trump.

À Los Angeles, des milliers de Californiens inquiets et rageurs ont envahi un important axe routier et une effigie du nouveau président a été brûlée devant l'hôtel de ville. Des médias ont fait état de plusieurs interpellations.

À New York, une foule s'est rassemblée au pied de la Trump Tower, domicile du président élu, scandant « Trump à la poubelle !».

La plupart des rassemblements ont été pacifiques, mais à Oakland, en Californie, des bouteilles et des pétards ont été lancés sur la police, blessant plusieurs fonctionnaires. Selon une responsable, deux voitures de police ont aussi été incendiées.

Quel est l'état d'esprit de Barack Obama, qui a plusieurs fois affirmé durant la campagne que Donald Trump était une menace pour la démocratie américaine, au moment de lui remettre les clés de la Maison-Blanche ?

Bombardé de questions sur ce thème mercredi, son porte-parole Josh Earnest était à la peine.

« L'élection est terminée, les Américains ont tranché. Ils ont choisi quelqu'un avec lequel le président Obama a des désaccords profonds. Mais cela ne le détournera pas de sa détermination à assurer une transition en douceur. Notre démocratie l'exige ».

Amère consolation pour Hillary Clinton, elle a perdu l'élection, dont le résultat est décompté État par État, mais au niveau national, elle a obtenu environ 230 000 voix de plus que son adversaire, selon des résultats provisoires publiés jeudi par le New York Times.