Donald Trump, dont l'élection surprise a fait l'effet d'une bombe, a tenté dès son premier discours de président élu d'atténuer l'immense onde de choc provoquée en Amérique et dans le monde par son triomphe électoral.

Le républicain a réussi à amasser plus que les 270 grands électeurs nécessaires pour gagner la Maison-Blanche. L'Associated Press lui en attribue ce matin 279 (228 à Hillary Clinton), le New York Times 279 (228 à Clinton) et CNN 289 (218 à Clinton).

Barack Obama a appelé Donald Trump tôt mercredi matin afin de le féliciter pour sa victoire à l'élection présidentielle et lui a exprimé « son admiration pour la solide campagne qu'il a menée à travers le pays », selon un communiqué de la Maison-Blanche.

Le président Obama s'exprimera mercredi à 12 h 15 (depuis la Maison-Blanche au lendemain de l'élection surprise du milliardaire populiste Donald Trump à sa succession, a annoncé l'exécutif.

M. Obama, qui a appelé M. Trump tôt mercredi matin afin de le féliciter, a invité ce dernier jeudi à la Maison-Blanche pour évoquer la transition. Fortement impliqué dans la campagne de la démocrate Hillary Clinton, le président américain n'a eu de cesse de souligner que le magnat de l'immobilier représentait une menace pour la démocratie.

« Le président a invité le président élu à venir le rencontrer à la Maison-Blanche jeudi 10 novembre pour faire le point sur la planification de transition sur lequel son équipe travaille depuis presque un an. Assurer une transition du pouvoir harmonieuse est l'une des priorités que le président a identifiées en début d'année, et rencontrer le président élu en est la prochaine étape », ajoute le communiqué.

La candidate démocrate malheureuse à la présidentielle Hillary Clinton s'adressera quant à elle à ses partisans mercredi matin. Ce sera sa première allocution publique depuis sa défaite face à Donald Trump. Son équipe de campagne a annoncé qu'elle s'exprimerait à 10 h 30 depuis un hôtel new-yorkais. 

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Les centaines de partisans venus fêter avec lui sa victoire sur Hillary Clinton ont pu entendre un Donald Trump au ton posé, au geste apaisé et porteur d'un message de réconciliation.

Si l'exercice est convenu pour tout président élu, il a surpris chez le milliardaire populiste, dont la violence du ton et des propos pendant la longue campagne ont contribué à fissurer un peu plus encore une société américaine déjà très divisée.

Président de tous

« Je m'engage à être le président de tous les Américains », a promis l'homme d'affaires de 70 ans. « L'heure est venue pour l'Amérique de panser les plaies de la division », a-t-il ajouté.

Le choc du résultat - sans appel - a jeté les marchés dans la tourmente et précipité les investisseurs vers les valeurs refuges. Il a aussi semé le trouble dans nombre de capitales, l'ébauche de politique étrangère du candidat Trump ayant suscité plus de questions qu'elle n'a apporté de réponses.

Huit ans après l'élection de Barack Obama, qui devait marquer l'avènement d'une Amérique post-raciale, force est de constater que les électeurs américains ont choisi un homme taxé de sexisme, de xénophobie, de mensonge, d'isolationnisme et d'incompétence par ses adversaires.

Ses partisans - des électeurs blancs souvent modestes - voient en lui l'homme au parler-vrai, qui sait nommer les problèmes qui les affligent : chômage, déclassement social, absence de reconnaissance, condescendance de l'establishment, ras-le-bol d'une certaine manière de faire de la politique et défenseur de leurs valeurs sociales conservatives.

« Nous avons un bon programme économique », a affirmé M. Trump, qui avait fait campagne comme l'outsider déterminé à mettre fin à la corruption des élites politiques. « Nous allons de nouveau rêver de grandes choses pour notre pays ».

« Nous allons nous mettre au travail immédiatement pour le peuple américain », a-t-il ajouté.

Les « homologues » du président  Trump ont eu des réactions mitigées.

Sa victoire surprise est une gifle pour le président Obama qui avait joué de tout son charisme pour pousser la candidature de son ancienne secrétaire d'État. Elle était la garantie de la continuité, là où M. Trump, fort d'une majorité au Congrès, a promis de démonter pièce par pièce l'édifice législatif de M. Obama.

Un travail de démolition encore décuplé par le pouvoir qu'il aura, dans les prochaines années, de rendre la Cour suprême encore plus conservatrice.

Surprises en série

Les résultats sont progressivement tombés au cours de la soirée : des régions considérées acquises à Hillary Clinton ont préféré exprimer un vote de contestation en appuyant son adversaire républicain.

Les experts ont rapidement braqué leur regard sur les localités désindustrialisées qui forment la « rust belt » (ceinture de rouille) près des Grands Lacs, une population de cols bleus en colère contre les effets de la mondialisation. Des électeurs traditionnellement acquis aux démocrates, avec de forts liens syndicaux, mais qui semblent avoir été convaincus par le discours protectionniste du candidat républicain.

Les bons scores de Trump dans les États du nord du pays ont ainsi surpris les analystes, qui y prédisaient une victoire relativement confortable de Hillary Clinton. Ce fut notamment le cas au Wisconsin, au Michigan et en Pennsylvanie. Hillary Clinton avait quelque 6 ou 7 points d'avance selon les sondages dans ce dernier État, pourtant finalement enlevé par Donald Trump avec 48,8 % des voix, contre 47,7 % pour Hillary Clinton. Cette dernière n'avait même pas cru bon de faire campagne dans le Wisconsin voisin, qu'elle croyait fermement acquis. M. Trump l'a finalement remporté, avec près d'un point d'avance.

L'importante Floride et ses 29 votes au collège électoral sont passés de mains en mains pendant une bonne partie de la soirée, avant de s'installer durablement du côté de M. Trump : 49,1 % des électeurs floridiens l'ont appuyé, contre 47,7 % pour son adversaire.

L'Ohio, un État important sur lequel les démocrates comptaient, a été accordé à Donald Trump avec neuf points d'avance (52,1% vs 43.5%), tout comme la Caroline du Nord, cette fois avec quatre points.

La Californie et l'État de New York, deux importantes victoires de Mme Clinton, n'auront pas réussi à compenser l'hémorragie.

Colère et frustration

Plus de 60 % des Américains pensent que Donald Trump n'avait pas le caractère pour devenir président. Mais il a réussi à capter la colère et les frustrations d'une partie de l'électorat.

Hillary Clinton a reconnu sa défaite dans un appel téléphonique à son rival, mais n'a pas voulu paraître devant ses partisans réunis eux aussi à New York.

Elle doit s'exprimer mercredi matin, selon l'une de ses collaboratrices.

L'homme d'affaires, en qui personne ne croyait lorsqu'il a lancé sa candidature en juin 2015, n'a jamais occupé le moindre mandat électif, mais a su lire mieux que quiconque la frustration d'une partie de la population et fabriquer sa propre marque de populisme.

« Le pays veut du changement »

« C'est incroyable ! », soulignait de son côté Glenn Ruti, 54 ans. « Le pays veut du changement ».

Plus de 200 millions d'Américains avaient été appelés aux urnes mardi pour choisir le successeur de Barack Obama, extrêmement populaire, qui quittera la Maison-Blanche le 20 janvier après huit années au pouvoir.

Sa première élection, en 2008, avait nourri l'espoir d'un pays plus uni. La campagne 2016 l'a profondément divisé.

Donald Trump sera le président le plus âgé à jamais entrer à la Maison-Blanche.

Il a brisé le rêve de 30 ans d'Hillary Clinton.

Celle qui a été tour à tour première dame, sénatrice de New York puis chef de la diplomatie américaine, présentait un CV impressionnant, mais sa personnalité suscitait peu d'enthousiasme, la majorité des Américains doutant de son honnêteté.

Elle était détestée par une partie des républicains, qui scandaient jour après jour « enfermez-la » quand Donald Trump dénonçait sa corruption présumée dans ses rassemblements.

Les Américains ont aussi voté mardi pour renouveler 34 des 100 sièges du Sénat à Washington et la totalité de la Chambre des représentants. Les républicains ont gardé leur majorité dans les deux chambres du Congrès, une très bonne nouvelle pour Donald Trump.

Douze des 50 États américains élisaient aussi de nouveaux gouverneurs, et des dizaines de référendums locaux étaient organisés. La Californie est ainsi devenue le cinquième État américain à légaliser la marijuana à usage récréatif.

Onde de choc

Les marchés ont réagi à la progression de Donald Trump en punissant de façon importante les indices américains : le Dow Futures perdait ainsi 5 % de sa valeur à un moment de la soirée, le maximum possible avant d'interrompre les transactions. Le NASDAQ Futures et le S&P500 Futures perdaient eux aussi 5 % de leur valeur.

Le peso mexicain, pour sa part, a perdu plus de 10 % de sa valeur vis-à-vis du dollar américain en quelques heures. Donald Trump a tenu un discours ferme, à la limite de la véhémence, envers le Mexique et ses ressortissants tout au long de la campagne électorale.

Ce matin, les marchés luttaient pour ne pas céder à la panique.

- Avec Philippe Tesceira-Lessard de La Presse