Les électeurs qui penchent pour Donald Trump sans oser l'avouer sont-ils la botte secrète du candidat républicain pour entrer à la Maison-Blanche le 8 novembre ?

Par définition difficiles à repérer et à quantifier dans les enquêtes d'opinion, ces voix pourraient s'avérer décisives dans un scrutin qui s'annonce serré.

Devant la Maison-Blanche, Thomas Hudson, 64 ans, avoue du bout des lèvres avoir voté Trump et ajoute aussitôt avoir « mauvaise conscience ». Ce républicain pur jus est d'habitude « très fier » de dire pour qui il a voté.

Comme cet ancien combattant, 27 millions d'Américains ont déjà voté par anticipation, une pratique autorisée dans de nombreux États.

Les experts s'interrogent sur le poids véritable de ces électeurs qui avancent masqués et s'ils peuvent générer, comme le vote inattendu des Britanniques en faveur d'une sortie de leur pays de l'Union européenne (Brexit), un effet « Bradley ».

Tom Bradley, candidat noir au poste de gouverneur de Californie en 1982, perdit l'élection alors qu'il était donné largement gagnant dans les sondages car beaucoup d'électeurs n'avaient pas osé dire à l'époque qu'ils voteraient contre lui, de peur d'être accusés de racisme.

Parmi ces voix cachées figurent celles des Américains blancs non diplômés qui, en 2012, étaient 47 millions à ne pas s'être déplacés dans les bureaux de vote et sont aujourd'hui courtisés par Trump, rappelle David Wasserman sur le site FiveThirtyEight, qui fait référence en matière de statistiques électorales.

Or, en gagnant la confiance d'une fraction de cet électorat, Trump pourrait remporter la présidentielle, estime le rédacteur en chef du Cook Political Report.

« Je n'aime pas le dire »

De quoi faire frémir tous les augures déjà échaudés par la victoire de Donald Trump aux primaires, à laquelle personne ne croyait et qui a fait du bouillonnant milliardaire, amateur en politique, le candidat officiel du parti républicain.

Encore faudrait-il que ces Blancs non diplômés s'inscrivent sur les listes électorales et se déplacent aux urnes, ce qui ne semble pas être le cas, a relevé M. Wasserman.

Le centre de réflexion Brookings a élaboré trois scénarios intégrants ce profil d'électeurs, mais même dans le meilleur des cas, Donald Trump n'arriverait pas à glaner assez de grands électeurs, ceux qui in fine désignent le président.

Les républicains croient pourtant dur comme fer au pouvoir de ces voix invisibles.

D'après une enquête du site Politico auprès de responsables et militants républicains de 11 États clés, 71 % estiment que les sondeurs sous-estiment ces électeurs qui n'osent pas dire qu'ils voteront pour le candidat controversé.

« Je connais personnellement beaucoup de républicains qui n'avoueront pas qu'ils vont voter pour Trump. Je n'aime pas moi-même le dire », a affirmé à Politico un républicain de Virginie.

De fait, « l'avance d'Hillary Clinton sur Donald Trump est plus grande dans les sondages par téléphone » que dans ceux menés par internet, a relevé FiveThirtyEight.

Beaucoup d'indécis

Ces aspects techniques ont joué dans l'échec des sondeurs à prévoir le vote pro-Brexit, a relevé le scientifique et observateur politique William Hausdorff dans Newsweek.

Mais des événements imprévisibles comme une participation plus faible des jeunes et une répartition imprévue du vote des indécis ont aussi joué un rôle au Royaume-Uni, selon lui.

« Je suis encore indécise. Je ne suis fan ni de Trump, ni de Clinton. Je voulais voter républicain, mais je ne peux pas voter Trump. Avant je votais démocrate. Bref je suis vraiment coincée », se désole Jacqueline Arrowsmith devant la Maison-Blanche.

Quelque 15 % des Américains ne savent pas encore quel bulletin de vote ils glisseront dans l'urne, alors qu'à la même époque en 2012, ils n'étaient que 5 % à hésiter entre Barack Obama et Mitt Romney, rappelle Nate Silver sur le site FiveThirtyEight.

« En théorie, avec 46 % des voix ''seulement'' pour Clinton, Trump pourrait la battre en remportant les indécis et les électeurs des partis indépendants. En pratique, il y a peu d'éléments indiquant que Trump soit leur deuxième choix », écrivait-il lundi.

La participation est une autre inconnue. D'après les premiers votes anticipés, les électeurs démocrates ont été plus nombreux que les républicains à se mobiliser dans certains États.

Mais la participation des jeunes et des Afro-Américains, composante essentielle de la victoire de Barack Obama en 2008, n'a pas été bonne.