La semaine dernière, c'était réglé, disait-on. Ce serait Hillary Clinton, avec une bonne avance. Voilà qu'en ce début de semaine, rien n'est sûr. À quel sondage se vouer? Entrevue avec Claire Durand, professeure de sociologie à l'Université de Montréal et accro aux sondages.

Certains sondages ne donnent plus qu'un point d'écart entre Hillary Clinton et Donald Trump. Celui du Los Angeles Times donne même le républicain gagnant par 2,4 points. Que penser de cela ?

Qu'un sondage pris isolément, ça ne veut pas dire grand-chose. Les journalistes le font souvent quand c'est leur propre média qui l'a commandé, mais dans la mesure du possible, il faut résister à la tentation ! Plus tu as un grand nombre de sondages sous la main, meilleures sont tes chances qu'ensemble, ils reflètent la réalité. Pour y voir plus clair, avec mon assistant, Luis Pena Ibarra, nous en avons suivi 443 depuis mai 2015 et 181 depuis le 1er août, y compris des sondages réalisés en Inde.

Et que donne votre plus récente analyse des 181 sondages ?

Vendredi, cela nous donnait 54 % à 46 % en faveur de Clinton en ne prenant en considération que la démocrate et le républicain. Les sondages de la fin de semaine indiquent une baisse récente de Clinton, dont les résultats varient maintenant de 50 à 53 %. L'estimation est maintenant de 52,5 % pour Clinton contre 47,5 % pour Trump. Il reste à voir comment ces votes se répartissent d'un État à l'autre.

Les indécis peuvent-ils causer de grosses surprises ?

Les sondages les distribuent de façon proportionnelle, mais comme on soupçonne qu'il puisse y avoir une spirale du silence amenant les partisans de Trump à rester discrets, j'ai refait l'analyse suivant une distribution non proportionnelle des indécis. Vendredi, cela me donnait 48 % pour Clinton et 43 % pour Trump.

Que penser des sondages qui paraissent vraiment dans le champ ?

Personnellement, dans mon analyse, je fais ce que l'on appelle une « régression locale », c'est-à-dire que j'accorde plus de poids aux sondages qui arrivent à des résultats similaires et j'en donne moins à ceux qui arrivent à des résultats bizarres. J'ai d'ailleurs exclu le sondage du Los Angeles Times, qui ne m'apparaît pas d'intérêt : la pondération est très particulière, on ne demande même pas aux répondants pour qui ils comptent voter, mais s'ils ont une préférence, et en plus, les sondeurs n'utilisent qu'un seul et même échantillon depuis le début.

Quel a été l'impact des débats ?

Au début du mois d'août, Clinton avait presque 10 points d'avance, mais cette avance avait fondu à seulement 4 points avant les débats. Sa performance aux débats l'a fait remonter, pour lui redonner un avantage de 8 points.

Le FBI a annoncé qu'il se penchait de nouveau sur les courriels de Clinton. En toute fin de course, quel est l'impact de cela ?

Je ne me prononcerai pas sur l'effet que peut avoir cette nouvelle-là en particulier. Ce que je peux dire, c'est qu'en fin de course, lorsque j'ai regardé cela pour le Canada à l'élection de 2008, les intentions de vote avaient changé d'environ 13 à 15 % entre le début et la fin de la campagne. En toute fin de campagne, les changements d'allégeance n'étaient que d'environ 5 à 6 %.

La candidature de Donald Trump complique-t-elle la tâche des sondeurs ? Est-il plus difficile avec lui de prédire le résultat final cette fois-ci ?

De façon générale, les élections au Québec et au Canada - où l'on compte plusieurs partis - rendent le vote plus volatil. C'est que pour un libéral, c'est plus facile d'aller vers la Coalition avenir Québec, peut-être, que d'adopter le Parti québécois. Au fédéral, il peut être plus facile pour un libéral de voter pour le Nouveau Parti démocratique que pour un conservateur. Aux États-Unis, comme il n'y a que deux partis, on s'attend généralement à ce qu'il y ait moins de mouvement, mais cette élection a donné lieu à beaucoup de rebondissements.

Et votre prédiction à vous, quelle est-elle ?

Je ne fais pas de prédiction depuis que j'ai une préférence ! C'est trop dangereux !