Les déclarations de Donald Trump suggérant qu'il refusera de reconnaître le résultat du scrutin présidentiel en cas de défaite ont eu l'effet d'une bombe aux États-Unis. Mais il s'agit plus probablement d'un pétard mouillé.

Les analystes interrogés à ce sujet sont sceptiques devant l'idée que le candidat républicain puisse retarder ou compromettre la nomination formelle de son adversaire démocrate en cas de défaite.

Richard Hasen, spécialiste du droit électoral rattaché à l'Université de Californie à Irvine, est du lot.

Traditionnellement, dit-il, le candidat donné perdant le jour de l'élection concède assez rapidement sa défaite par une déclaration publique. Elle n'est cependant pas obligatoire.

S'il continue alors de se dire victime d'allégations de fraude, Donald Trump pourrait refuser de concéder la victoire, sans pour autant bloquer quoi que ce soit.

« Le fait de concéder ou non n'a aucun effet sur le plan légal. Le candidat perdant peut dire ce qu'il veut », relève M. Hasen.

La seule conséquence véritable d'un tel refus, note-t-il, serait de mettre plus de pression sur les officiels chargés de comptabiliser les résultats avant la réunion, en décembre, des grands électeurs qui relaient le vote des États.

En temps normal, note M. Hasen, le public « ne fait pas vraiment attention » à cette phase technique du processus, qui se poursuit dans les semaines suivant le vote en prévision de l'entrée en fonction officielle du président, en janvier.

ALLER PLUS LOIN

Donald Trump pourrait tenter de pousser son opposition un cran plus loin en demandant un nouveau dépouillement dans certains États ou circonscriptions cruciaux.

Une telle démarche, au dire de M. Hasen, n'aura cependant aucune crédibilité si l'écart entre les deux candidats à l'élection présidentielle est important, puisqu'une éventuelle modification des résultats dans un État ou un autre serait peu susceptible de changer le résultat global du scrutin.

Scott Farris, politologue et auteur qui connaît bien l'histoire des élections américaines, note que le candidat devrait avoir des preuves « très solides » pour réclamer une révision du scrutin dans un État donné, puisqu'un tel renversement du résultat n'arrive pratiquement jamais.

Sa demande, si elle était jugée sérieuse, serait prise en compte et traitée rapidement pour ne pas entraver le vote final par les grands électeurs.

Nombre de partisans du candidat républicain évoquent, pour donner plus de crédibilité aux menaces de leur champion, le résultat contesté de l'élection de 2000, qui avait mené à l'élection de George W. Bush devant Al Gore.

Un nouveau dépouillement susceptible de changer le résultat national du vote avait été demandé dans l'État de la Floride. La Cour suprême a ultimement stoppé le processus, amenant du même coup le camp démocrate à concéder la victoire.

Dans ce cas, note M. Hasen, le scrutin était extrêmement serré, puisque l'attribution de quelques centaines de votes sur les millions qui avaient été enregistrés était susceptible de faire changer le résultat national.

Aucun des candidats n'avait par ailleurs exprimé de doutes par rapport à la fiabilité du système électoral avant le vote, note le spécialiste, qui fait peu de cas des allégations de fraude avancées cette année par Donald Trump et sa garde rapprochée.

TRÈS RARE

Plusieurs études ont démontré que le vote frauduleux est extrêmement rare aux États-Unis. « C'était peut-être un enjeu il y a 100 ans, mais pas aujourd'hui », relève M. Farris.

Une recherche de l'école Loyola a notamment recensé une trentaine de cas allégués d'usurpation d'identité depuis 2000, toutes élections confondues, sur 1 milliard de votes exprimés.

Nombre de partisans de Donald Trump n'en demeurent pas moins convaincus qu'une manipulation à grande échelle de l'élection est possible et pourraient réagir agressivement s'il refuse, en cas de défaite, de concéder la victoire à son adversaire démocrate.

« S'il accueillait le résultat de l'élection de manière belliqueuse, ça pourrait pousser certaines personnes à commettre des actes de violence », note M. Farris.

Bien qu'il ne soit pas obligatoire pour le candidat perdant de concéder la victoire, c'est une tradition importante qui permet de faciliter une transition sereine, dit-il.

M. Hasen ne serait pas étonné, si Donald Trump perd et se braque, que les ténors du Parti républicain passent outre à ses réserves et interviennent publiquement pour concéder la victoire au camp démocrate en vue d'apaiser les esprits.

« Si les démocrates remportent la victoire par une forte marge et que la direction du Parti républicain concède la présidence [quoi qu'en dise Donald Trump], je pense que la plupart des Américains vont tourner la page », note le spécialiste de l'Université de Californie.

Hillary Clinton en bonne position

Le site Fivethirtyeight.com du statisticien Nate Silver, qui suit de près la progression des sondages tant sur le plan national que local, indiquait hier que la candidate démocrate Hillary Clinton avait 85 % de chances de remporter la victoire le 8 novembre. Dans une récente analyse, les responsables du site relevaient qu'aucun candidat présentant autant de retard que Donald Trump dans les sondages à ce stade avancé de la campagne n'avait réussi à remonter la pente depuis le début des années 50. Son entourage a reconnu durant la fin de semaine qu'il avait pris du retard, mais maintient qu'il remportera la victoire le 8 novembre.