Elle est l'incarnation du mal. Elle a la haine au coeur. Et elle mérite d'être en prison. Il est inapte à la présidence. Il vit dans un univers parallèle. Et il n'a aucun respect pour les femmes ou les minorités. Après avoir passé outre à la poignée de main traditionnelle, Donald Trump et Hillary Clinton ont livré hier soir à l'Université Washington de St. Louis l'un des débats présidentiels les plus acrimonieux de l'histoire contemporaine, l'un et l'autre brossant un portrait acidulé de son rival.

En plein coeur de la pire crise de sa campagne, le candidat présidentiel du Parti républicain a probablement limité les dégâts, réussissant à évacuer assez rapidement la controverse soulevée par la divulgation de ses propos vulgaires et machistes sur les femmes.

Mais sa décision de revenir sur les scandales sexuels passés de Bill Clinton, avant et pendant le débat, pourrait se retourner contre lui.

L'un des modérateurs de ce deuxième débat présidentiel, Anderson Cooper, a donné le ton en accusant Trump de s'être vanté d'avoir commis des agressions sexuelles. Un rappel : dans une vidéo diffusée vendredi dernier par le Washington Post et filmée en 2005, le magnat de l'immobilier affirme que son statut de star lui permet de tout faire avec les femmes, y compris les embrasser sur la bouche et leur empoigner le sexe sans permission.

« Je n'ai pas dit cela du tout », a répondu le magnat de l'immobilier au journaliste de CNN. « C'était des propos de vestiaire. Je n'en suis pas fier. Je me suis excusé à ma famille et au pays. »

Clinton a réagi pour la première fois à ces propos qui ont incité plus de 36 représentants, sénateurs et gouverneurs républicains à larguer Trump depuis vendredi dernier.

« Ce que nous avons tous vu et entendu vendredi est Donald parlant des femmes, ce qu'il pense des femmes, ce qu'il fait aux femmes, et il a dit que la vidéo ne représentait pas ce qu'il est », a déclaré la candidate démocrate. « Elle représente exactement ce qu'il est », a-t-elle ajouté, en accusant son rival d'avoir exprimé le même mépris pour les Afro-Américains, les Latinos, les musulmans et les handicapés.

Les scandales de Bill Clinton

Trump a choisi de contre-attaquer en ramenant sur le tapis les scandales sexuels de Bill Clinton. Il l'avait déjà fait quelque 90 minutes avant le début du débat en tenant une conférence de presse impromptue avec trois femmes qui ont accusé l'ancien président d'agression ou de harcèlement sexuels. L'une d'elles, Juanita Broaddrick, a affirmé en 1999 et répété hier avoir été violée par Clinton en 1978 alors qu'elle travaillait bénévolement à son élection au poste de gouverneur de l'Arkansas.

« Si vous regardez Bill Clinton, c'est pire », a déclaré Trump. « Je m'en suis tenu à des mots, il est passé aux actes. Ce qu'il a fait aux femmes n'a jamais été vu dans l'histoire politique en termes d'agression. »

Clinton a mis fin à cette partie du débat en rappelant les paroles de Michelle Obama à propos des doutes émis par les ennemis du premier président noir à propos de sa légitimité. « Quand ils visent bas, nous visons plus haut », a-t-elle répété.

Trump ordonnerait une enquête sur Hillary

Les deux candidats ont également eu de vifs échanges sur la question des courriels d'Hillary Clinton alors qu'elle était secrétaire d'État. En faisant allusion aux 33 000 courriels supprimés par Clinton, Trump a promis, s'il est élu, de demander à son ministre de la Justice de nommer un procureur spécial pour enquêter sur cette affaire.

« C'est tout simplement merveilleux que quelqu'un doté du tempérament de Donald Trump ne soit pas responsable de faire respecter la loi dans notre pays », a interjeté Clinton.

« Parce que vous seriez en prison », a répliqué Trump.

Contrairement au premier débat, le deuxième s'est déroulé devant un groupe d'électeurs indécis qui ont pu poser des questions aux candidats. Clinton et Trump pouvaient se déplacer sur le plateau et s'approcher de leurs interlocuteurs pour leur répondre. Pendant les réponses de Clinton, Trump faisait souvent les 100 pas, affichant une mine renfrognée. Comme il l'avait fait lors du premier débat, il a également interrompu sa rivale à plusieurs reprises.

Imperturbable, Clinton a fourni les réponses les plus cohérentes, sans toutefois parvenir à faire sortir son adversaire de ses gonds comme elle avait réussi à le faire lors du premier débat.

La santé, la Syrie et l'islamophobie ont également fait partie des sujets abordés, de même que les impôts de Trump. Celui-ci a semblé admettre qu'il avait réussi à ne pas payer d'impôts fédéraux pendant plusieurs années après avoir déclaré des pertes de 916 millions de dollars pour l'année 1996.

Le débat aura fini sur une note plutôt positive. Un des électeurs a demandé aux candidats de dire une chose qu'il admirait chez son adversaire.

« Je respecte ses enfants », a répondu Clinton. « Ses enfants sont incroyablement capables et dévoués. »

« Elle est une battante et elle n'abandonne jamais », a déclaré de son côté Trump.