Donald Trump, milliardaire volontiers fanfaron concernant sa fortune, a-t-il réussi à ne pas payer d'impôts? La question a rebondi après sa curieuse réponse lors du débat présidentiel américain, alors qu'il refuse toujours de rendre publiques ses déclarations de revenus.

Lors de ce débat regardé par 84 millions de téléspectateurs aux États-Unis, sa rivale démocrate Hillary Clinton a émis plusieurs hypothèses pour son refus: «Peut-être n'est-il pas aussi riche qu'il le dit. Peut-être n'est-il pas aussi généreux qu'il le dit (...) Ou peut-être ne veut-il pas que les Américains (...) sachent qu'il n'a rien payé en impôts fédéraux», a-t-elle déclaré lundi soir.

«Cela prouve que je suis intelligent», a immédiatement riposté le candidat républicain à la Maison-Blanche.

Quelques minutes plus tôt, il avait précisé avoir déclaré à la commission fédérale électorale 694 millions de revenus l'an dernier. Cette indication est obligatoire pour les candidats, mais moins précise que leur déclaration de revenus.

Après le débat, il a semblé revenir en arrière: «Bien sûr que je paye des impôts fédéraux», a-t-il déclaré à des journalistes. Tout en ajoutant: «Je déteste la façon dont notre gouvernement dépense notre argent. Il le jette par la fenêtre».

Les démocrates, depuis des mois, insistent pour que Donald Trump rende publique sa déclaration, une tradition respectée depuis 40 ans par tous les candidats des grands partis à l'élection présidentielle.

Et ils ont immédiatement exploité sa réponse au débat. La Première dame Michelle Obama, en campagne mercredi pour Mme Clinton à Philadelphie, a dénoncé «un candidat qui pense que ne pas payer d'impôts montre que vous êtes intelligent».

«Dites ça au concierge ici qui paye des impôts», s'est aussi indigné le vice-président Joe Biden, en campagne mardi pour Mme Clinton dans une université à Philadelphie. «Dites ça à vos parents, qui s'épuisent pour vous envoyer ici et payent des impôts». 

Déclaration de 12 000 pages  

Selon un récent sondage Quinnipiac, 75% des Américains souhaitent que Donald Trump publie sa déclaration de revenus (60% des républicains, 92% des démocrates).

Mais il s'abrite derrière un audit fiscal en cours pour ne pas le faire, affirmant attendre la fin de cet examen. L'IRS, le service des impôts américains, a pourtant affirmé que «rien» ne l'empêchait de le faire.

Selon son fils Donald Jr, sa déclaration de revenus fait... 12 000 pages.

Il est probable, selon certains experts, que le magnat de l'immobilier a profité de tous les abattements fiscaux généreux et échappatoires qui existent pour cette profession.

Les promoteurs immobiliers peuvent notamment, en déclarant des pertes, compenser d'autres sources de revenus, pratique interdite pour de nombreuses autres professions.

Dans sa déclaration, «on pourrait voir des pertes artificielles compensant des revenus positifs, de façon à ne pas payer d'impôts», explique à l'AFP Matthew Gardner, directeur général d'un centre de recherche spécialisé dans la fiscalité, l'Institute on Taxation and Economic Policy.

La feuille d'impôts de M. Trump serait par ailleurs selon lui la seule solution pour voir s'il existe, dans ses affaires, des conflits d'intérêt avec son aspiration à diriger les États-Unis.

Elle permettrait aussi de savoir s'il a aussi bien réussi qu'il le dit dans les affaires et, ajoute M. Gardner, il y a aussi un «élément de responsabilité sociale» dans une déclaration.

«Quand vous voyez que quelqu'un profite d'abattements fiscaux qui ne sont pas accessibles à tous, qui sont limite immoraux, voire illégaux, cela vous en dit beaucoup sur la personne».

La seule fenêtre sur les impôts de M. Trump remonte à la fin des années 1970, quand il avait demandé une autorisation pour un casino dans le New Jersey.

Il avait payé 71 000 dollars d'impôts cumulés de 1975 à 1977, mais avait ensuite déclaré des revenus déficitaires de 406 379 dollars en 1978 et 3,4 millions en 1979, selon le New York Times, ce qui lui avait permis de ne pas payer d'impôts fédéraux, alors même qu'il affirmait peser des centaines de millions de dollars.

Donald Trump revendique une fortune de 10 milliards de dollars. Le magazine Forbes, spécialisé dans ces sujets, l'estime à 4,5 milliards de dollars.