Les 120 000 ballons bleus, blancs, rouges sont tombés du plafond de l'aréna Quicken Loans. Les affiches ont été rangées et les quelque 50 000 délégués, journalistes, manifestants et invités présents pour les quatre jours de rassemblement ont déserté Cleveland. Que reste-t-il de la convention républicaine, qui visait à unifier le parti derrière Donald Trump ? Bilan.

Des mots

Violence. 

Immigration. 

Échanges commerciaux. 

Terrorisme.

Selon un décompte du Los Angeles Times, voici les quatre mots le plus souvent utilisés par Donald Trump lors de son discours-fleuve de jeudi soir, au cours duquel il a accepté sa nomination à titre de candidat républicain dans la course à la Maison-Blanche. Ces quatre mots ont aussi été le sujet de la grande majorité des discours prononcés au cours de la semaine.

Divisés entre eux, unis contre Hillary

« Coupable ! », « Enfermez-la ». Hillary Clinton n'était pas à Cleveland, mais c'était tout comme. Son nom était sur toutes les lèvres. Si le Parti républicain a eu de la difficulté à rallier ses troupes au candidat officiel - des scènes de rébellion orchestrées par des délégués récalcitrants à la candidature de Donald Trump ont ponctué les trois premières journées du rassemblement -, la haine à l'endroit d'Hillary Clinton a été le thème qui a le plus uni les délégués. Plusieurs orateurs, dont le gouverneur Chris Christie, ont appelé à la mise en accusation de l'ancienne secrétaire d'État. Les délégués ont répondu en hurlant : « Enfermez-la », un cri entendu tout au cours de la semaine. Seul Donald Trump a tenté de modérer ses partisans en entendant le slogan.

Gradins dégarnis

Propriétaire d'un kiosque de sandwichs dans l'enceinte de la convention républicaine, Del Stevens fulminait cette semaine. Tous les soirs, les organisateurs de la convention lui ont demandé de fermer son commerce pendant toute la durée des discours. « Ils craignent que si on ne ferme pas, personne n'assiste aux discours », dit le traiteur. L'anecdote est révélatrice d'un phénomène observé cette semaine par tous ceux qui ont assisté à la convention : les gradins de l'aréna, qui a une capacité de 20 000 personnes, n'ont été remplis qu'une seule fois pendant la semaine : pour le discours de Donald Trump.

Le parti blanc

Les propos de Donald Trump à l'égard des minorités ont-ils eu raison de la diversité au sein du Parti républicain ? Sur la scène, plusieurs conférenciers latino-américains, noirs et musulmans ont chanté ses louanges, mais dans la salle, la situation était tout autre. La grande majorité des têtes et des visages étaient blancs - seuls 18 délégués noirs étaient attendus à la convention. Et selon une déléguée du Texas, Jessica Dorsey, les Noirs n'étaient pas la seule minorité sous-représentée. Issue de la communauté cherokee, la jeune femme de 18 ans note que les autochtones américains sont complètement absents du discours politique. « En politique américaine, les souffrances et les revendications des autochtones sont carrément balayées sous le tapis. »

Controverses multiples

Le discours de Melania Trump plagiant un discours de Michelle Obama. L'absence de John Kasich, le gouverneur de l'Ohio, à la convention qui se tient dans son État. Et surtout, le discours de défiance du sénateur Ted Cruz qui a invité les délégués à « voter selon leur conscience » en novembre. La semaine a été parsemée de controverses qui ont en partie volé la vedette au candidat et à son colistier, Mike Pence. En conférence de presse hier, le chef de campagne de Donald Trump, Paul Manafort, niait que les pavés répétés aient nui à la convention. « Les discours ont été bien reçus. Et nos messages principaux ont été entendus : que ce pays a besoin d'un nouveau leadership, et nous avons aussi démontré qui est vraiment Donald Trump. »

Plus de peur que de mal

Patineuse artistique professionnelle et militante à ses heures, Marni Halasa a hésité avant de prendre le chemin de Cleveland. « J'avais peur de venir après tout ce que j'avais lu et entendu dans les médias. On prédisait de la violence », dit la New-Yorkaise. Beaucoup de peur pour rien. « La situation est tendue de temps en temps, mais en général, l'atmosphère est bon enfant », a-t-elle dit à La Presse, tout en tenant une pancarte ironique sur laquelle on pouvait lire : « Trump : que l'Amérique haïsse de nouveau ». Des militants de tous acabits ont défilé dans les rues de Cleveland ou se sont exprimés sur la place centrale, spécialement aménagée pour l'occasion. Plus de 3000 policiers de Cleveland, de l'Ohio et des États environnants veillaient à la sécurité, se disant prêts à procéder à des arrestations massives en cas de besoin. En tout, ils ont arrêté 23 personnes au cours de la semaine, mais n'ont rapporté aucun incident majeur.

La famille Trump

« Le meilleur spectacle de la convention est dans la loge VIP de Donald Trump », a écrit le sérieux Washington Post cette semaine. Toute la semaine, les enfants de la famille Trump ont été assis sur les chaises en velours qui leur étaient destinées, entourés de stars du monde politique, du sport ou de la télé. Selon le New York Times, les quatre enfants Trump, qui ont tous prononcé des discours pendant la convention, sont maintenant des vedettes nationales au même titre que leur père. Et Melania ? Après son discours controversé de lundi, elle s'est faite discrète.

Rendez-vous de l'extrême droite

« L'Europe s'effondre, implose et explose. Nous faisons face à des attaques de djihadistes presque toutes les semaines. La raison de tout ça, bien sûr, est que nous avons eu des politiques de frontières ouvertes pendant des décennies », a dit le leader d'extrême droite néerlandais Geert Wilders aux journalistes lors de sa visite à la convention républicaine. Son vis-à-vis britannique, Nick Farage, qui a milité pour le Brexit en utilisant des arguments anti-immigration, était aussi à Cleveland. Des groupes de suprémacistes blancs se sont aussi rassemblés dans les rues de Cleveland. Tous ces chantres de l'extrême droite disaient se reconnaître dans la candidature de Trump. Cerise sur le gâteau : David Duke, l'ancien leader du Ku Klux Klan, se disant « envahi de joie » après la nomination du milliardaire, a annoncé hier qu'il briguera un siège au Sénat.

Le prestige de l'uniforme

« Merci de nous protéger, messieurs les officiers. Nous vous aimons. » Les délégués de la convention républicaine étaient nombreux à se faire prendre en photo et à serrer la main aux policiers, lourdement armés, déployés dans la ville. Alors que dans le reste du pays, les Afro-Américains dénoncent les récents épisodes de brutalité policière en se ralliant sous la bannière « Black Lives Matter » (les vies noires comptent), à Cleveland, le cri de ralliement, après le meurtre de policiers à Dallas et à Baton Rouge, était plutôt « Blue Lives Matter » (les vies de policiers comptent). Les responsables du mouvement Black Lives Matter, craignant les dérapages, ont décidé de ne pas manifester à Cleveland. D'autant plus que la relation entre la communauté noire et les policiers y est particulièrement tendue depuis la mort de Tamir Rice, un enfant de 12 ans abattu par un policier en 2014. « Quand un Noir voit un policier à Cleveland, c'est comme s'il avait vu un grizzly », a dit James Adam, qui vendait des t-shirts Black Lives Matter. « Je me suis fait insulter plusieurs fois cette semaine », dit-il.

L'humour de Mike Pence

Donald Trump ne manque pas une occasion de vanter ses propres mérites. Il a notamment affirmé être le seul à pouvoir « réparer » le système politique et économique américain, jeudi soir. Son colistier, Mike Pence, semble pour sa part beaucoup plus apte à faire de l'autodérision. Dans son discours d'acceptation, le candidat à la vice-présidence du Parti républicain a notamment suggéré que si Donald Trump l'avait choisi lui, un gouverneur peu connu de l'Indiana, c'était notamment pour « équilibrer » son « immense personnalité et son grand charisme »...