La mission de Donald Trump était double, jeudi soir, au Quicken Loans Arena, où le magnat de l'immobilier devenu star de la téléréalité a poursuivi son ascension politique étonnante en acceptant l'investiture républicaine pour l'élection présidentielle de novembre.

Il devait transcender la série d'erreurs confondantes commises par son équipe à Cleveland, au premier rang desquelles l'invitation offerte mercredi soir à Ted Cruz d'étaler les divisions qui subsistent au sein du Grand Old Party.

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Et il lui incombait de transformer l'opinion négative qu'une bonne majorité de l'électorat américain porte sur son caractère et son aptitude à assumer la présidence des États-Unis.

Premier constat : utilisant un télésouffleur et ne déviant de son texte qu'à quelques reprises, Trump a prononcé un des discours les plus critiques et alarmistes jamais entendus lors d'une convention politique américaine. Un discours qui a comblé les milliers de spectateurs présents et qui a peut-être suscité la peur et l'adhésion chez des millions de téléspectateurs.

Deuxième constat : le candidat républicain ne s'est pas contenté d'affirmer qu'il serait un meilleur président qu'Hillary Clinton ou qu'il avait les meilleures propositions pour régler les problèmes des États-Unis. D'une voix criarde dont il ne s'est jamais départi, il a proclamé être le seul à pouvoir le faire, se posant en homme providentiel, celui qui apparaît dans un moment de crise pour sauver son pays.

« J'ai sauté dans l'arène politique afin que les puissants ne puissent plus taper sur les gens qui ne peuvent pas se défendre. »

- Donald Trump, après avoir accusé Hillary Clinton de corruption

« Personne ne connaît le système mieux que moi, et c'est pourquoi je suis le seul à pouvoir le réparer. J'ai été à même de constater comment les dés étaient pipés contre nos citoyens, tout comme ils l'étaient contre Bernie Sanders - il n'a jamais eu une chance. »

EXAGÉRATIONS ET MENSONGES

Mais c'est bien plus qu'un système truqué que Trump a dénoncé jeudi. Comme l'ont fait les orateurs de la convention républicaine avant lui, il a dressé un portrait sombre, voire lugubre, de la situation à laquelle les États-Unis font face à l'intérieur et à l'extérieur de leurs frontières. Un portrait contenant une part importante d'exagérations, de faussetés et de mensonges.

Il a notamment évoqué une criminalité en hausse dans nombreuses villes américaines, faisant fi de la chute générale de la criminalité aux États-Unis au cours des dernières années. Il est revenu sur la mort récente de policiers abattus au Texas, en Louisiane et dans plusieurs autres États. Et il a renouvelé à plusieurs reprises sa promesse d'être le candidat de l'ordre public, une posture qui rappelle celle de Richard Nixon, dont le discours à la convention républicaine de 1968 a inspiré le sien.

Mais l'homme providentiel ne s'est pas arrêté là. Il a également dénoncé les attentats terroristes commis sur le sol américain ces dernières années, de Boston à Orlando en passant par San Bernardino. Il s'est engagé à « suspendre immédiatement l'immigration de toute nation qui a été compromise par le terrorisme ».

Et il a réitéré son intention de construire le long de la frontière sud un mur « pour stopper l'immigration illégale, pour empêcher la drogue d'envahir nos communautés, pour stopper les gangs et la violence qui ont volé trop de vies innocentes ». Il n'a pas mentionné que le taux de criminalité chez les immigrés clandestins est inférieur à celui de la population générale, selon les données du FBI.

Qu'à cela ne tienne, Trump n'a pas minimisé l'effet éventuel de ses propositions.

« J'ai un message pour vous tous. La criminalité et la violence qui affligent aujourd'hui notre nation prendront fin bientôt. À partir du 20 janvier 2017, la sécurité sera rétablie. »

- Donald Trump

Si Trump estime être le seul à pouvoir régler les problèmes de ses concitoyens, il impute à Hillary Clinton tous les malheurs du Moyen-Orient, ou presque. Il lui prête également l'intention d'instaurer les politiques les plus laxistes en matière d'immigration, dont une « amnistie massive ». Il lui reproche également de souscrire à des accords de libre-échange qui ont privé selon lui les travailleurs américains de millions d'emplois.

En défendant ses politiques économiques, Trump s'est fait l'apôtre de l'« américanisme », un concept qu'il a opposé au « mondialisme ».

« La différence la plus importante entre notre plan et celui de notre adversaire, c'est notre plan de privilégier l'Amérique d'abord », a-t-il dit en utilisant une expression (America First) popularisée par Charles Lindbergh et associée à l'isolationnisme américain des années 30.

Reste à voir ce que les Américains qui n'étaient pas à l'intérieur du Quicken Loans Arena jeudi soir penseront du discours et de la convention de cet homme alarmiste qui se croit providentiel.