Malgré un scandale entourant le discours de sa femme Melania et une dernière tentative par certains États de mettre du sable dans l'engrenage de la convention républicaine, Donald Trump a été couronné candidat du Parti républicain, hier soir à Cleveland. Faits saillants de la soirée.

LA NOMINATION DES MAINS DE DONALD JR

Dans une cérémonie orchestrée au quart de tour, les 50 États et les territoires américains ont accordé leurs délégués hier aux divers candidats républicains. En tout, Donald Trump a reçu 1725 délégués, alors qu'il avait besoin de 1237 d'entre eux pour remporter la nomination républicaine pour la course à la Maison-Blanche. C'est le fils du milliardaire, Donald Trump Jr, ému, qui a accordé au nom de l'État de New York les voix qui ont mis fin au processus de nomination et confirmé la victoire de l'homme d'affaires. « C'est le moment le plus surréaliste de ma vie après la naissance de mes enfants », a dit le fils aîné du candidat.

L'EXCEPTION DE L'ALASKA

La nomination de Donald Trump n'a pas eu lieu sans quelques grincements de dents. Des huées ont été entendues lors du vote du Colorado, un des États les plus opposés à la nomination de l'homme d'affaires. À la toute dernière minute, des délégués de l'Alaska ont aussi tenté de contester les règles du « gagnant-prend-tout » imposées par le Parti républicain dans l'État. Leur contestation a jeté une douche froide sur la convention, mais n'a eu aucun impact sur le résultat. Après la nomination de M. Trump, l'atmosphère était à la fête à l'aréna Quicken Loans, surnommé le Q. « C'est fantastique ! De toute ma vie, je n'ai voté que pour un seul président : Ronald Reagan. Je vais voter pour un deuxième cette année », a dit CeCe Chittom, une partisane de Trump de la Louisiane. « Je suis prête pour qu'un New-Yorkais irrévérencieux remporte l'élection », a ajouté Anne Queyrouze.

LE DONALD, DE NEW YORK

Même s'il doit accepter officiellement la candidature demain, Donald Trump n'a pu s'empêcher de mettre son grain de sel, hier soir. De New York, il s'est adressé aux délégués rassemblés à Cleveland. « Je ne vais jamais oublier cette soirée. Il y a un an, j'annonçais ma candidature et maintenant, le processus de nomination est terminé. Maintenant, nous devons aller jusqu'au bout », a dit M. Trump par conférence vidéo. Il a promis d'être à Cleveland ce soir ainsi que demain. Habituellement, le candidat choisi par le parti se tient en retrait de la convention jusqu'à la toute dernière minute.

« ENFERMEZ » HILLARY 

Ancien procureur, le gouverneur du New Jersey Chris Christie a mis en scène hier un procès de la candidate démocrate présumée, Hillary Clinton. M. Christie l'a accusée d'avoir créé le chaos en Afrique du Nord en « étant l'ingénieure » de la chute de Mouammar Kadhafi, d'avoir soutenu Bachar al-Assad, « ce boucher », avant la guerre, de n'avoir rien fait pour les jeunes femmes kidnappées par Boko Haram au Nigeria et d'avoir manqué de jugement en utilisant un serveur privé alors qu'elle était secrétaire d'État. « Qu'en pensez-vous ? Est-elle coupable ? », a-t-il lancé. La foule a répondu en hurlant : « coupable ! » Des délégués ont poussé la note plus loin et scandaient : « enfermez-la ! »

PRUDENT APPEL À L'UNITÉ

D'abord fortement opposé à la nomination de Donald Trump comme candidat du Parti républicain, le président de la Chambre des représentants, Paul Ryan, a marché sur des oeufs hier lors de son allocution devant les 5000 délégués rassemblés à Cleveland. Au lieu de faire l'éloge de Donald Trump, il a encensé son parti et ses idées conservatrices et a dénigré le travail des démocrates au cours des huit dernières années. « La démocratie est une question de choix. Nous, républicains, avons fait notre choix. Avons-nous eu des désaccords ? Oui, mais ils sont un signe de vie au sein de notre parti », a dit celui qui a été le candidat républicain à la vice-présidence lors de la dernière élection présidentielle. « Unissons ce parti ! », a-t-il lancé à une foule enthousiaste en fin de discours.

LES ENFANTS TRUMP À LA RESCOUSSE

Si Donald Trump met de l'avant sa fille aînée Ivanka à la moindre occasion, sa fille cadette, Tiffany, 22 ans, est restée dans l'ombre jusqu'à hier soir. Fraîchement diplômée de l'Université de Pennsylvanie, la jeune femme a peint le portrait d'un père attentif, fier de ses plus petits accomplissements. « Mon père est né avec une immense capacité à l'encouragement », a dit la jeune femme, née du deuxième mariage du milliardaire. Son fils aîné, Donald Jr, a succédé à Tiffany sur scène. Partenaire d'affaires de son père, il a parlé de l'éthique de travail de celui-ci - « mon mentor, mon meilleur ami » - et s'est lancé dans un long exposé politique. « Pour ma génération, c'est l'élection la plus importante de notre vie et elle déterminera l'avenir de notre pays et du monde », a-t-il plaidé. - Avec la collaboration d'Alexandre Sirois

DES INVITÉS EUROPÉENS POUR LA NOMINATION

Le leader néerlandais d'extrême droite Geert Wilders se trouvait hier à Cleveland pour la convention républicaine. « Ce qui se passe en Amérique se passe également en Europe », a déclaré à des journalistes Geert Wilders en arrivant. « Ce serait tellement mieux si en Amérique et en Europe nos dirigeants avançaient dans la même direction et ne s'opposaient pas, de façon à ce qu'on se renforce les uns les autres. » « Ce serait très bénéfique si Trump était élu », a-t-il ajouté. L'ancien leader du parti britannique europhobe Ukip, Nigel Farage, était également attendu hier à Cleveland pour la grand-messe républicaine. Il doit rester jusqu'à vendredi, selon un de ses proches.

- D'après l'Agence France-Presse

IL A DIT :

« Je regrette vraiment d'avoir contribué à présenter Trump d'une manière plus attrayante, qui a attiré l'attention sur lui. [...] Je pense sincèrement que si Trump gagne et obtient les codes nucléaires, il y a de grands risques que cela entraîne la fin de la civilisation. » - Tony Schwartz, qui a écrit au nom de Donald Trump ses mémoires intitulées The Art of the Deal, parues en 1987

Photo Brian Snyder, Reuters

Donald Trump Jr, fils aîné du candidat du Parti républicain, a accordé au nom de l’État de New York les voix qui ont confirmé la victoire de son père. Il était entouré de ses sœurs Ivanka et Tiffany de même que de son frère Eric. 

« Si Trump était commandant en chef, ce serait une catastrophe »

Trop loin. Trop peu d'options. Les organisateurs de la convention républicaine ont été critiqués pour avoir limité les endroits où des groupes peuvent manifester pendant le grand rassemblement politique qui a débuté lundi. Malgré tout, les militants de tout acabit ne semblent pas manquer une occasion pour se faire entendre. Notre journaliste est allée à leur rencontre sur la place centrale de Cleveland, hier.

Donald Trump aime les vétérans et veut améliorer les services qui leur sont rendus. Ainsi va la promesse du candidat républicain à la Maison-Blanche, une promesse dont Emily Yates ne croit pas un mot.

Ancienne combattante en Irak, la jeune femme de 33 ans croit plutôt que si les Américains élisent le candidat républicain et son colistier Mike Pence en novembre, les femmes en uniforme et celles qui ont déposé les armes en pâtiront. « Pensez-vous que des candidats qui sont contre la place des femmes dans les forces armées vont leur rendre la vie plus facile ? Je ne crois pas », dit-elle, en notant qu'elle a plus de 2 millions de soeurs d'armes à la retraite dans le pays. Ces dernières peinent déjà à recevoir les mêmes soins que leurs camarades masculins dans les hôpitaux réservés aux vétérans.

Ayant quitté l'armée en 2008 après avoir été la cible d'agressions sexuelles de la part de ses collègues masculins, Emily Yates craint aussi que tout le chemin parcouru au cours des dernières années pour que les femmes militaires puissent dénoncer leurs agresseurs au sein des forces armées soit perdu. « Si Trump était commandant en chef, ce serait une catastrophe », croit-elle, en dénonçant le langage misogyne utilisé par le milliardaire depuis le début de la campagne. « Le langage qu'il utilise nourrit ceux qui veulent propager des idées haineuses », note celle qui gagne aujourd'hui sa vie comme musicienne folk et photographe.

LE COIN DE LA PAROLE

L'ancienne militaire, qui a servi dans la troisième infanterie de l'armée américaine de 2002 à 2008, a fait le voyage d'Oakland, en Californie, jusqu'à Cleveland pour manifester auprès du groupe « Vétérans contre la haine » et pour porter son message aux délégués républicains rassemblés au Quicken Loans Arena jusqu'à demain.

Plus d'une vingtaine de groupes ont pris la parole hier au « Speakers' Corner » (le coin des orateurs) que la Ville de Cleveland a aménagé sur la place centrale du centre-ville, le Public Square. La Ville accorde 30 minutes de tribune à ceux qui en ont fait la demande. Les Vétérans contre la haine ont saisi l'occasion.

« On en a assez que Donald Trump nous utilise comme des pantins politiques pour favoriser ses intérêts sur notre dos. » - Alexander McCoy, leader des Vétérans contre la haine

«  [Donald Trump] exploite la souffrance de certains d'entre nous pour ses propres fins politiques », a ajouté Alexander McCoy, en faisant référence à plusieurs discours très émotifs qu'ont prononcés des vétérans partisans de Trump lors de la convention. Hier, ses comparses portaient une banderole de solidarité avec les musulmans partout dans le monde.

UNE TRIBUNE ÉCLATÉE

La liste des autres intervenants du Speakers' Corner était tout ce qu'il y a de plus éclaté : des « millionnaires patriotes », un militant noir dénonçant les crimes que des Noirs commettent contre d'autres Noirs, un groupe religieux anti-gai, une coalition en faveur des immigrants de la grande région de Cleveland.

À côté de la tribune officielle, réglée au quart de tour, nombreux étaient aussi les manifestants solos qui tentaient d'attirer l'attention des quelque 15 000 journalistes en ville pour couvrir la convention cette semaine.

Une femme tenait une affiche « J'aime le capitalisme », alors qu'un homme âgé, coiffé d'un sombrero, suggérait qu'un mur soit construit autour de Donald Trump, une parodie de la promesse controversée du candidat républicain, qui veut construire un mur entre le Mexique et les États-Unis. Des illuminés annonçant la fin du monde et des camions pro-vie se promenaient aussi au centre-ville.

LA POLICE S'INTERPOSE

À la fin de l'après-midi, les forces de l'ordre ont dû s'interposer sur la place centrale entre divers groupes de manifestants. L'un d'entre eux dénonçait la violence policière envers la population noire américaine alors qu'un autre qualifiait tous les musulmans de djihadistes. En quelques minutes, des dizaines de policiers ont encerclé la place, tantôt à pied, tantôt à cheval. Le chef de police de Cleveland, qui était sur place, a affirmé que personne n'a été arrêté.

Le dispositif sécuritaire déployé à Cleveland est très visible. Pour l'occasion, les policiers de Cleveland ont appelé plus de 2500 policiers du reste de la région en renfort, par peur de débordement. Le meurtre dimanche de trois policiers à Baton Rouge, plusieurs fois mentionné à la convention républicaine, fait craindre à plusieurs une escalade de la tension.

La police secrète américaine assure pour sa part la sécurité du périmètre de la convention.

Alors que plusieurs prédisaient de la violence lors de la convention républicaine, peu d'incidents ont été signalés au cours des deux premiers jours de la convention. On s'attend à de plus grandes manifestations aujourd'hui et demain, dernier jour de la convention.

Photo Shannon Stapleton, Reuters

Lou Pumphrey, vétéran de la guerre du Viêtnam, a marché dans les rues du centre-ville de Cleveland avec un drapeau américain sur lequel les étoiles ont été remplacées par un signe de paix. 

Photo Patrick Semansky, Associated Press

Les policiers se sont interposés entre deux groupes de protestataires, hier. Le chef de police de Cleveland a toutefois affirmé que personne n’a été arrêté.

LES RÉPUBLICAINS REJETTENT TOUTE ACCUSATION DE PLAGIAT

Si toute la planète politique comparait hier le discours que Melania Trump a prononcé lundi à celui que Michelle Obama a livré il y a huit ans, y notant des similitudes frappantes, à la convention républicaine, la question a été poussée sous le tapis. Le chef de campagne Paul Manafort a rejeté toute accusation de plagiat. « Penser que Melania ferait quelque chose comme ça en sachant que son discours sera surveillé de près est tout simplement absurde », a-t-il dit. Plusieurs délégués républicains interrogés par La Pressetentaient de reléguer la question aux oubliettes. « Je pense qu'elle a fait du beau travail. [...] Ce qui est incroyable, c'est que les médias ne parlent que de ça », a dit Catherine Crosby Long, une déléguée de l'Alabama. « Il s'est passé des choses beaucoup plus importantes pendant la journée », a dit une jeune déléguée de l'État de Washington avant de s'éclipser.

AP

Melania Trump, à gauche, la femme du républicain Donald Trump. À droite, Michelle Obama, la femme du président américain Barack Obama.