Les relations de Donald Trump avec la presse ont été difficiles dès le lancement de sa campagne il y a un an, mais la tension est encore montée d'un cran cette semaine avec la décision du candidat républicain d'exclure le Washington Post de ses rassemblements.

Donald Trump a écarté de sa campagne une dizaine de médias, une tendance inquiétante qui, selon les groupes de presse, révèle son mépris pour la liberté d'expression prévue par le premier amendement de la Constitution.

Donald Trump s'en est pris aux journaux qui lui déplaisent en les qualifiant d'entreprises « défaillantes » et de « pourritures ».

Lors de ses rassemblements pendant les primaires, il a violemment attaqué les journalistes, les traitant de « malhonnêtes » et d'« ordures ». Certains ont été menacés par les partisans de Trump, d'autres malmenés par les services de sécurité ou les équipes du candidat républicain.

Le milliardaire n'a pas hésité à retirer les accréditations-presse à ceux qui, selon lui, avaient dépassé les bornes.

« Si les gens ne couvrent pas ma campagne de manière acceptable, ou s'ils inventent des choses, je ne vois pas pourquoi ils devraient être admis » (à ses évènements), a déclaré Trump au New York Times.

À l'inverse, les médias et en particulier les chaînes d'information en continu ont été pointés du doigt pour avoir contribué à l'ascension du candidat en lui attribuant un temps d'antenne démesuré. Selon une analyse de la société Mediaquant dans le New York Times, en mars, la couverture gratuite tous médias confondus de Donald Trump représentait l'équivalent de 1,9 milliard de dollars - plus du double d'Hillary Clinton, deuxième du classement.

Avec le Washington Post, le candidat se serait fâché après un article sur le récent attentat à Orlando affirmant qu'il semblait suggérer un soutien du président Obama aux terroristes.

Mais sa décision concernant le Post est seulement la dernière d'une longue série de mesures de rétorsion du candidat républicain présumé à la Maison-Blanche, qui provoquent incrédulité et inquiétude.

Pire que Nixon ?

« Même Saddam Hussein n'a pas privé le @washingtonpost d'accréditations presse », a twitté un ancien responsable de la rédaction du Washington Post, Rajiv Chandrasekaran, qui a couvert la guerre d'Irak.

D'autres ont évoqué le président Richard Nixon, qui n'a jamais banni le Washington Post de la Maison-Blanche, même après la révélation par le journal du scandale du Watergate dans les années 1970.

Trump s'est au contraire félicité de sa décision lors d'un rassemblement mardi à Greensboro, en Caroline du Nord : « J'adore ! Nous venons de retirer les accréditations-presse du malhonnête Washington Post », a-t-il lancé sous les applaudissements et les rires.

Donald Trump a régulièrement attaqué les médias, les accusant de tendre à gauche et critiquant leurs lignes éditoriales.

« Je prédis que le journal mourant @UnionLeader, qui a été enfoncé par son propriétaire Joe McQuaid, cessera d'exister d'ici deux ans ! », a-t-il écrit en décembre en évoquant le quotidien du New Hampshire.

Lors de l'un de ses accrochages les plus remarqués, le journaliste Jorge Ramos d'Univision, plus grande chaîne en espagnol du pays, avait été expulsé d'une conférence de presse pour avoir posé plusieurs questions au candidat sur ses propositions en matière d'immigration.

« Retourne à Univision », avait répondu Trump, fou de rage.

Jorge Ramos, qui a interviewé plusieurs présidents américains, avait finalement été autorisé à revenir. Mais cet incident avait mis en lumière la tendance de Donald Trump à s'accrocher avec des journalistes qu'il n'apprécie pas.

Un reporter de Politico s'est également vu interdire l'accès à une conférence de presse en mars alors qu'il était accrédité.

Des interdictions similaires ont frappé des journalistes de BuzzFeed, du Daily Beast, de Foreign Policy, du Huffington Post et d'autres médias.

Le Comité des journalistes accrédités au Congrès a estimé que Trump s'engageait sur « une voie inquiétante » en punissant les journalistes qui tentent de demander des comptes aux candidats et aux responsables publics.

« Les candidats devraient répondre avec des faits et des arguments, pas en interdisant les journalistes », a déclaré le Comité.

Dana Milbank, éditorialiste au Washington Post, met en garde « les journalistes qui ne partagent pas encore le point de vue » de son rédacteur en chef Martin Baron, selon lequel la décision de Donald Trump représente un « rejet pur et simple d'une presse libre et indépendante » : « Il ne tardera pas à vous » prendre à partie « vous aussi ».

ARCHIVES REUTERS

Jorge Ramos posant des questions à Donald Trump lors d'une conférence de presse dans l'Iowa en août dernier, peu de temps avant de se faire expulser de la salle.