Le 7 juin 2008, Hillary Clinton, battue à l'issue de primaires démocrates âprement disputées, cédait la place à Barack Obama. Huit ans plus tard, c'est elle qui doit rassembler son camp après un duel tendu avec Bernie Sanders.

Sur le papier, sa tâche s'annonce infiniment plus aisée que celle de son adversaire républicain Donald Trump dont la candidature et les propos « racistes » (selon nombre d'élus de son propre bord) déchirent le Grand Old Party. Ce dernier apparaît déboussolé à cinq mois de l'élection présidentielle du 8 novembre.

Elle a notamment remporté la Californie mardi, une victoire symbolique qui pourrait l'aider à faire pression sur Bernie Sanders pour qu'il quitte la course.

Mais le défi reste de taille, car « Bernie » a annoncé mardi soir depuis Santa Monica, en Californie - avant de savoir qui remporterait cet État riche en délégués -, qu'il n'avait pas l'intention de jeter l'éponge tout de suite. « La lutte continue », a-t-il lancé, promettant de se battre lors de l'ultime primaire dans une semaine à Washington D.C.

Il a toutefois laissé entendre qu'il ne serait pas jusqu'au-boutiste et pourrait se retirer avant la convention de Philadelphie en juillet : « Nous ne laisserons pas Trump devenir président des États-Unis », a-t-il ajouté.

Après des décennies de relative solitude idéologique au Congrès, le septuagénaire aux cheveux en bataille connait avec cette campagne une reconnaissance tardive, mais spectaculaire.

« À ce stade, la primaire n'a plus rien à voir avec l'investiture. Tout est affaire de rapport de force dans les négociations de paix qui vont s'ouvrir », soulignait mardi sur Twitter David Axelrod, qui fut le stratège électoral d'Obama.

Lors de son discours de victoire, à Brooklyn mardi soir, Hillary Clinton n'a pas directement appelé son rival à se retirer, mais a tendu la main à ses électeurs.

« La campagne de Bernie Sanders et le débat vigoureux que nous avons eu ont été très bons pour le Parti démocrate et l'Amérique », a-t-elle lancé.

« Au moment où nous regardons vers l'avant, rappelons-nous ce qui nous unit », a-t-elle ajouté. « Nous voulons une Amérique où tout le monde est traité avec respect ».

En 2008, elle avait adoubé sans équivoque Barack Obama, appelant à mettre « énergie, passion et forces » pour le faire élire.

Obama reçoit Sanders jeudi

Cette fois, le défi est tout autre : elle devra s'assurer que les millions de jeunes Américains captivés par le discours du surprenant Sanders qui leur a promis une « révolution politique » ne restent pas chez eux le 8 novembre.

Principal obstacle : nombre de partisans de « Bernie » la voient comme la caricature d'une classe politique enfermée dans la bulle hermétique de Washington, déconnectée de leurs questionnements et de leurs luttes.

« Hillary Clinton n'a pas la capacité de rassembler sans aide », estime Larry Sabato, politologue de l'Université de Virginie. « Une partie non négligeable des troupes de Sanders la méprisent désormais. Sanders devra la soutenir de manière répétée avec enthousiasme ».

Les démocrates se rassurent en soulignant que l'inimitié était nettement plus forte il y a huit ans entre les équipes Obama et Clinton. Et que la victoire fut au bout du chemin.

Ils comptent aussi sur le président, qui devrait rapidement entrer dans la danse, pour jouer le rôle de rassembleur. « Vous pouvez vous attendre à ce que le président joue ce rôle », souligne son porte-parole Josh Earnest.

M. Obama, qui recevra d'ailleurs Bernie Sanders jeudi à la Maison-Blanche, a déjà rodé son message : les deux candidats démocrates, très différents dans le style « n'ont pas d'énormes différences sur le fond », assurait-il récemment lors d'un déplacement au Japon comme pour préparer la nécessaire phase de réconciliation.

« Le président Obama doit faire entendre raison à l'aile gauche du parti, en utilisant la peur de Trump comme facteur de mobilisation », estime Larry Sabato.

De fait, selon les derniers chiffres de l'institut Gallup, la cote de popularité d'Obama au sein de cette frange du parti atteint des sommets : 92 %.

À huit ans d'écart, Barack Obama et Hillary Clinton ont un atout commun : proposer aux électeurs d'écrire une page d'histoire de la politique américaine avec le premier Noir à la Maison-Blanche et la première femme à la Maison-Blanche.

Quelles que soient les faiblesses d'une candidate qui ne fait pas rêver les foules, les électeurs démocrates pourraient se mobiliser pour faire la démonstration que leur parti est celui qui fait bouger les lignes de la société américaine.