Il y a de mauvais gagnants dont les triomphes sont trop bruyants, trop prolongés, trop insolents. Et il y a Donald Trump.

Un mot résume l'attitude du promoteur immobilier depuis qu'il s'est assuré la victoire dans la course à l'investiture républicaine pour l'élection présidentielle, il y a un mois : colère. Colère contre les membres de son parti qui ne l'ont pas encore appuyé. Colère contre les médias qui lui posent des questions gênantes. Colère contre un juge fédéral qui le fait mal paraître. Colère contre sa rivale démocrate qui ne devrait pas seulement être battue aux urnes, mais jetée en prison.

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À cinq mois du scrutin, la question est de savoir si cette colère n'est que passagère ou si elle suivra Trump jusqu'à la fin. En attendant, le candidat républicain donne l'impression que la victoire ne le satisfait pas si elle n'est pas accompagnée d'une domination totale.

Un exemple : le 24 mai, lors d'un rassemblement au Nouveau-Mexique, Trump a attaqué à deux reprises la gouverneure républicaine de l'État, Susana Martinez, de qui certains membres de son parti rêvent encore comme candidate à la vice-présidence. « C'est la faute de votre gouverneure », a-t-il lancé en accusant la première Latina à diriger un État américain d'être responsable de l'augmentation du nombre de chômeurs à Albuquerque et de bénéficiaires de l'aide alimentaire au Nouveau-Mexique.

La gouverneure Martinez avait soulevé la colère de Trump en refusant de lui donner son appui et en critiquant ses propos sur les Mexicains. Or, au lieu de lui tendre la main, le candidat républicain l'a giflée devant ses électeurs en lui reprochant de « ne pas faire le travail ». Jeudi dernier, il a radicalement changé d'approche, affirmant qu'il avait toujours respecté Mme Martinez et qu'il tenait à son appui. Disons qu'il a eu une façon curieuse de le démontrer le 24 mai.

Le calme, puis la tempête

Mais Donald Trump a affiché un calme olympien ce jour-là, comparativement à l'hostilité dont il a fait montre la semaine dernière à l'égard des journalistes lors d'une conférence de presse dans la tour new-yorkaise qui porte son nom. Le candidat républicain cherchait à mettre fin à la controverse entourant sa collecte de fonds pour des associations d'aide aux anciens combattants. À la fin du mois de janvier, il s'était félicité d'avoir amassé 6 millions de dollars pour de tels groupes. Or, des journalistes ont révélé récemment qu'une partie de cette somme ne s'était pas matérialisée, y compris le million de dollars promis par le candidat lui-même.

Après avoir traité un journaliste de « fumier » et un autre de « bellâtre », Trump a accusé les médias d'être « malhonnêtes » et « injustes », tout en promettant de continuer « à attaquer la presse » après son élection éventuelle à la Maison-Blanche.

La menace n'a rien de rassurant pour les défenseurs de la liberté de la presse, car Trump a également évoqué en février son intention de « rouvrir » les lois américaines sur la diffamation, histoire de pouvoir poursuivre en justice les médias qui publieraient des reportages « sciemment négatifs » sur son compte.

Mais la presse n'a pas été la seule cible de Trump la semaine dernière. Le candidat républicain a également mis en cause l'indépendance du système judiciaire en critiquant le juge fédéral Gonzalo Curiel. Celui-ci préside au procès intenté par des étudiants de la Trump University, un établissement à but lucratif dont Trump était le principal propriétaire. Le magistrat de San Diego a suscité la colère du candidat républicain en donnant le feu vert à la publication de témoignages d'anciens employés qui décrivent l'« université » comme une entreprise frauduleuse ayant pour objectif de tirer profit de la crédulité et de la vulnérabilité de personnes souvent mal en point financièrement.

Dans des discours et des entrevues, Trump a estimé que Curiel ne pouvait le traiter de façon équitable en raison de son « héritage mexicain » (il avait d'abord laissé entendre que le juge, né dans l'Indiana, était « mexicain »). « C'est un conflit d'intérêts inhérent », a-t-il déclaré au Wall Street Journal en laissant entendre que son projet de construire un mur le long de la frontière sud empêchait le juge d'être impartial à son égard.

Dimanche, lors d'une entrevue à CBS, Trump a également mis en doute la capacité d'un juge musulman d'être juste envers lui. Croire le contraire relève de la rectitude politique, selon lui.

Clinton y goûte aussi

Hillary Clinton, candidate probable du Parti démocrate à la présidentielle, considère plutôt qu'il y a quelque chose de profondément antiaméricain dans les propos de Trump. « Le juge Curiel est aussi américain que je le suis, aussi américain que Donald Trump », a-t-elle écrit sur Twitter.

PHOTO RUSSELL CONTRERAS, ASSOCIATED PRESS

La gouverneure du Nouveau-Mexique, Susana Martinez, apparaît sur plusieurs listes de colistiers potentiels.

Mais Clinton ne devrait même pas avoir voix au chapitre, selon Trump, qui la condamne pour la gestion de ses courriels alors qu'elle était secrétaire d'État.

« Hillary Clinton doit aller en prison. Elle est coupable », a déclaré le candidat républicain lors d'un rassemblement en Californie.

Imaginez maintenant la colère de Trump s'il était le perdant d'une élection présidentielle le moindrement serrée.