Le démocrate Bernie Sanders a brisé un tabou de la campagne présidentielle américaine lorsqu'il a jugé disproportionnée la réponse d'Israël dans la guerre à Gaza en 2014 et réclamé une approche plus équilibrée sur le conflit israélo-palestinien.

À quelques jours des importantes primaires dans l'État de New York, les déclarations du sénateur du Vermont jeudi lors d'un débat télévisé où il était opposé à Hillary Clinton ne sont pas passées inaperçues.

Le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou «n'a pas toujours raison», a dit M. Sanders. «On ne peut pas continuer à considérer les choses à sens unique».

«Si nous voulons un jour apporter la paix dans cette région, qui a vu tellement de haine et de guerre, il va falloir que nous traitions le peuple palestinien avec respect et avec dignité», a-t-il ajouté.

La ville de New York compte une très importante communauté juive et Bernie Sanders est le seul candidat à être lui-même de religion juive. Il a même un temps vécu en Israël.

Dans n'importe quel autre pays, ses déclarations seraient passées inaperçues, estime Daniel Sieradski, responsable national du groupe «Les juifs pour Bernie», qui compte plus de 8000 soutiens sur sa page Facebook.

«Mais le discours dans la politique juive américaine a été poussé tellement à droite ces dernières décennies que Bernie est maintenant presque présenté comme un extrémiste anti-Israël».

Durant la dernière primaire démocrate vraiment disputée à New York, en 1992, une telle déclaration aurait constitué un véritable suicide politique, a estimé le New York Times.

M. Sieradski n'est pas d'accord: «Je ne pense pas que c'est un suicide politique, mais ça ne l'aide clairement pas parmi ceux qui ont une ligne dure sur ce qui se passe en Israël».

Selon lui les juifs américains représentent 20% de l'électorat à New York. La majorité est démocrate. Un soutien indéfectible à Israël a donc longtemps été considéré comme indispensable pour les candidats, mais les déclarations de M. Sanders reflètent un changement des mentalités dans cet électorat, notamment chez les plus jeunes.

«Dix coups de retard»

Ainsi, Sharon Goldtzvik, 29 ans, est «très contente» de voir un candidat à la présidentielle aborder le sujet de la dignité des Palestiniens. Elle a vécu en Israël, est mariée à un Israélien et elle décrit Bernie Sanders comme «une bouffée d'air frais».

«J'ai moins de 30 ans, les gens de ma génération ne sont pas prêts à accepter le fait qu'il n'y aurait qu'une seule manière de soutenir Israël, donc je pense que cela représente le point de vue de beaucoup de juifs, et d'un nombre croissant de juifs», dit-elle.

L'audace de M. Sanders ne semble toutefois pas payante: il est devancé par Hillary Clinton tant chez l'électorat juif (40% contre 60% à l'ancienne secrétaire d'État), que d'une manière générale dans l'État de New York, où il accuse 13 points de retard.

Gaylen Ross, une documentariste, votera pour Mme Clinton et pense qu'elle est la candidate la mieux à même de négocier une solution à deux États: «Franchement s'il arrive à la table des négociations avec un tel langage, il a déjà dix coups de retard».

Le sénateur du Vermont a été le seul candidat à refuser de s'exprimer devant la conférence annuelle du groupe de pression pro-israélien Aipac, le 21 mars. Et il s'est vu reprocher d'avoir donné à tort au New York Daily News le chiffre de 10 000 civils tués dans la guerre à Gaza en 2014, signe d'une certaine méconnaissance des dossiers.

Howard Graubard, juriste impliqué chez les démocrates dans l'État, estime pour sa part que M. Sanders ne souffrira pas de ses déclarations, «parce que toute façon il va perdre».

Selon lui ses déclarations ne dérangeront pas ses soutiens juifs progressistes, mais elles inciteront fortement les tenants d'une ligne plus dure, qui ne soutiennent pourtant pas beaucoup plus Hillary Cliton, à aller voter pour elle.