New York, Seattle, Californie : dans le casse-tête régional de salaires minimums aux États-Unis, des villes et des États prennent l'initiative et votent des hausses parfois spectaculaires, le slogan des 15 $ par heure devenant une réalité pour des centaines de milliers de salariés.

L'augmentation est si consensuelle chez les démocrates qu'Hillary Clinton et Bernie Sanders, les deux candidats à l'investiture présidentielle, ne se disputent que sur son ampleur : l'ex-secrétaire d'État veut aller moins vite et moins loin, quand le sénateur du Vermont pousse pour un doublement.

Les républicains, eux, restent réfractaires en raison des potentielles destructions d'emplois, à de rares exceptions près comme Mitt Romney, le candidat présidentiel de 2012.

Le salaire minimum fédéral est de 7,25 $ par heure. Il n'a pas changé depuis 2009, car c'est le Congrès qui en fixe le montant, et les républicains y ont la majorité depuis cinq ans. Au Québec, le salaire horaire minimum passera à 10,75 $ le 1er mai. 

Alors, comme pour de nombreuses causes progressistes, l'action se passe au niveau des États et des villes : 29 États et la capitale fédérale, Washington, ont aujourd'hui des montants plus élevés que le minimum national, par exemple 9 $ à New York et 10 en Californie. À Seattle, depuis le 1er janvier, dans les grandes entreprises c'est 13 $. Dans la ville de New York, les employés de restauration rapide doivent au moins gagner 10,50 $.

En tout, depuis 2013, 18 États ont volontairement augmenté leurs salaires minimums selon la Maison-Blanche, parfois après des référendums.

Et une nouvelle vague s'annonce en 2016. La plus conséquente se prépare dans l'État le plus peuplé du pays, la Californie : les élus locaux viennent de se mettre d'accord pour atteindre progressivement 15 $ en 2023, et avant dans les grandes entreprises.

Selon une étude de l'Université Berkeley, un tiers des travailleurs californiens vont être augmentés.

Hillary Clinton a salué une «grande victoire pour les travailleurs»... mais Bernie Sanders lui a répondu sur Twitter : «Voici la différence : je soutiens un salaire minimum fédéral à 15 $, pas Hillary Clinton». Il a raison : la candidate a proposé de monter le plancher fédéral de 7,25 à 12 $.

Divergences régionales

Une hausse brutale pourrait être ressentie différemment selon les régions. Dans le Sud pauvre, le niveau de vie et les prix sont bien plus bas que sur les côtes. Doubler les salaires d'employés de restaurants dans le Mississippi aurait plus d'impact sur les prix au menu qu'à San Francisco, où les salaires sont déjà plus élevés. Le coût de la vie à New York rend aussi plus urgente une hausse des minima actuels.

«Les hausses du salaire minimum seront plus fortes dans les zones urbaines que dans les zones rurales, dans le nord-est et la Californie que dans le sud profond», dit à l'AFP Jacob Kirkegaard, chercheur à l'Institut Peterson à Washington.

Selon lui, les divergences régionales ne feront que se renforcer.

Mais syndicats et militants poussent néanmoins pour une hausse générale : en dollars constants, le salaire minimum fédéral est environ un tiers plus bas qu'au pic de 1968.

«Le salaire minimum actuel de 7,25 $ revient à environ 15 000 $ par an, ce n'est suffisant nulle part dans le pays pour une famille», dit Laura Huizar, du National Employment Law Project. Le seuil de pauvreté pour une famille de trois personnes est fixé à 20 160 $.

La question n'est quasiment jamais abordée pendant la campagne des primaires républicaines. Le sénateur du Texas Ted Cruz est contre toute hausse. John Kasich, gouverneur de l'Ohio, avait flirté avec une augmentation «raisonnable» en septembre. Mais il s'est corrigé début mars lors d'un débat.

«Je ne suis pas favorable à une hausse du salaire minimum fédéral», a-t-il dit, alarmé que les téléspectateurs aient pu concevoir l'inverse. «Si les États veulent le faire, ils doivent le faire en concertation avec les entreprises et les élus».

Donald Trump, lui, avait déclaré en novembre que les salaires étaient «trop élevés» et nuisaient à la compétitivité américaine. La tirade a fait bondir, quand les républicains critiquent tous les jours Barack Obama pour la stagnation des salaires.

«Les salaires dans notre pays sont trop bas», a-t-il corrigé en décembre.