Le favori des primaires républicaines Donald Trump a suggéré mercredi de punir les femmes qui avortent avant de revenir sur ses propos, provoquant une levée de boucliers tout en continuant ainsi à monopoliser l'attention des médias.

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«Il doit y avoir une certaine forme de punition», a déclaré le tonitruant milliardaire sur la chaîne MSNBC, dans des extraits d'une émission du soir.

Il était interrogé par l'animateur Chris Matthews qui lui demandait s'il «croyait qu'il fallait une punition pour l'avortement» quand «vous dites que l'avortement est un crime».

Le prétendant à la Maison-Blanche a affirmé qu'il fallait «interdire» l'avortement, légal pourtant partout aux États-Unis depuis une décision historique de la Cour suprême en 1973 dite «Roe v. Wade».

Malgré cette décision, le sujet reste brûlant aux États-Unis entre partisans du droit des femmes à avorter (pro-choix) et opposants (pro-vie).

Les propos de Trump n'ont d'ailleurs pas manqué d'ulcérer les pro-choix, au premier rang desquels sa rivale démocrate Hillary Clinton.

Mme Clinton a dénoncé sur Twitter des propos «terrifiants et révélateurs». «Vous ne pouvez pas laisser quelqu'un avec ce tel dédain des droits des femmes s'approcher de la Maison-Blanche», a-t-elle écrit dans un autre tweet où on peut entendre les déclarations de Trump.

Le réseau Planned Parenthood, qui gère des cliniques où les femmes peuvent avorter, a estimé qu'il s'agissait d'une «incitation à la violence contre les femmes».

Ses rivaux républicains Ted Cruz et John Kasich, opposés eux aussi au droit à l'avortement, ont condamné les propos de M. Trump, M. Cruz défendant le «respect» des femmes.

Campagne brouillonne

Face à la polémique, Donald Trump a fait machine arrière, ajoutant de la confusion à une campagne déjà brouillonne.

Il a d'abord publié un premier communiqué pour expliquer que «cette question n'est pas claire» avant de préciser dans un deuxième communiqué qu'il envisageait de sanctionner non pas les femmes, comme il l'avait dit sur MSNBC, mais les médecins, et seulement si une loi interdit l'avortement.

Si le Congrès ou un État adoptait une loi interdisant l'avortement, «le médecin et toute autre personne pratiquant cet acte illégal devra rendre des comptes, pas la femme», qui est «une victime dans ce cas comme la vie dans son ventre», a-t-il affirmé.

Mais son revirement n'a pas convaincu Mme Clinton. «Trump peut toujours essayer de revenir sur ses propos, on l'a bien entendu et très clairement», a-t-elle tweeté.

Donald Trump a déjà lui-même changé de position sur l'avortement, qu'il a longtemps défendu avant de s'y opposer dans sa campagne. Il a reçu depuis le soutien de l'égérie des anti-avortement, Phyllis Schlafly, opposée à inscrire l'égalité homme-femme dans la Constitution.

Mercredi il a affirmé que «comme Ronald Reagan je suis pro-vie avec des exceptions», ce qui veut dire qu'il y serait favorable en cas de viol par exemple.

Le Wall Street Journal a recensé les 30 fois où Donald Trump a tenu des propos controversés ou sur lesquels il a changé d'avis et qui, en d'autres temps, auraient sonné le glas de sa campagne.

Trump avait ainsi proposé d'interdire l'entrée des États-Unis aux musulmans avant de dire qu'il s'agirait d'une fermeture «temporaire» des frontières. Sur la santé, il a un jour soutenu le principe d'une couverture universelle, avant de rétropédaler.

La controverse sur l'avortement a néanmoins suffi à lui assurer à nouveau un temps de présence record à l'antenne.

Trump a d'ailleurs tweeté mercredi des records d'audience de CNN en félicitant la chaîne «pour avoir eu la sagesse de (le) choisir» dans une émission la veille.

Il risque pourtant de se mettre à dos une partie des électrices, devenue son talon d'Achille, lors de la présidentielle du 8 novembre.

Déjà coutumier d'insultes à l'égard des femmes («grosse truie», «belle idiote» ou «folle»), il a récemment franchi un nouveau cap en attaquant l'épouse de son rival Ted Cruz.

Or les femmes représentent plus de la moitié de l'électorat américain et sont plus promptes à aller voter que les hommes.

73% des électrices en ont une opinion défavorable, et 39% des électrices républicaines, selon un sondage CNN/ORC international publié le 24 mars.