Des revirements majeurs sont toujours possibles. Mais les conséquences des résultats du super mardi ne peuvent être ignorées. Pour la première fois, un des deux grands partis américains pourrait être représenté à une élection présidentielle par une femme et l'autre, par un milliardaire iconoclaste. Mais d'ici là, il y aura encore des remous, surtout chez les républicains.

Entre la révolte et la résignation

Jusqu'où ira Donald Trump ? Il y a quelques mois, ses concurrents et leurs stratèges sont arrivés à la même réponse que la plupart des pontes de l'information : l'ancienne star de la téléréalité allait finir par s'immoler par ses propres déclarations incendiaires. D'où leur réticence à offenser ses partisans en l'attaquant de front.

Ce matin, comme le reste du complexe médiaco-politique, ils doivent convenir qu'ils avaient tout faux. En enlevant au moins sept des 11 États qui tenaient des scrutins républicains, dont les plus importants, Donald Trump s'est approché encore davantage de la majorité de délégués requise pour devenir le candidat présidentiel du parti d'Abraham Lincoln.

Au cours des derniers jours, cette possibilité a suscité au sein de l'élite républicaine des sentiments allant de la révolte à la résignation. Les prochains mois permettront de déterminer si le Grand Old Party survivra dans sa forme actuelle au « trumpisme », un mouvement qui suscite même l'adhésion de suprématistes blancs comme David Duke.

La révolte s'exprime de diverses façons. Sur les réseaux sociaux, des commentateurs, intellectuels et stratèges conservateurs ont adopté le mot-clic #NeverTrump pour annoncer leur refus absolu de voter pour le milliardaire. Les Ted Cruz, Marco Rubio et John Kasich voudront exploiter cette révolte pour au moins ouvrir la voie à une convention contestée à Cleveland, à la fin du mois de juillet. Comment ? En empêchant Trump de remporter les 1237 délégués nécessaires à son couronnement.

Victorieux au Texas et en Oklahoma, Cruz a tenté hier soir de convaincre le sénateur de la Floride, vainqueur dans un premier État - le Minnesota - et le gouverneur de l'Ohio, blanchi de nouveau, d'abandonner la course. Mais ceux-ci voudront probablement jouer leur va-tout le 15 mars. Ce jour-là, des États comme la Floride et l'Ohio attribueront aux vainqueurs de leurs primaires républicaines tous leurs délégués.

La contestation anti-Trump pourrait également aboutir à la candidature d'un conservateur sous une autre bannière. Erick Ericksson, animateur de radio et blogueur influent, a proposé hier cette solution qui risquerait cependant de contribuer à l'élection du candidat démocrate.

Face à cette révolte, il y a la résignation, incarnée par le gouverneur du New Jersey Chris Christie, qui a appuyé Donald Trump après l'avoir dénigré sur tous les tons.

Pas de révolution à l'horizon

Il continue à récolter des sommes records - plus de 40 millions de dollars en février - et à attirer des foules considérables - environ 6500 personnes lundi soir au Colorado. Pas de doute : Bernie Sanders peut poursuivre sa campagne jusqu'à la fin des primaires et des caucus, au début du mois de juin. Mais à quelles fins ?

Le sénateur du Vermont se doutait que le super mardi ne lui sourirait pas. Mais l'ampleur de ses défaites dans les États du Sud signifie qu'il accusera un retard vraisemblablement insurmontable dans la course aux délégués. Elle signifie aussi que son appel à une révolution politique n'a pas été entendu par des groupes clés de la coalition démocrate, dont les électeurs afro-américains et latinos, qui ont voté massivement pour Hillary Clinton, hier.

Bernie Sanders a également encaissé une défaite gênante dans son arrière-cour - le Massachusetts -, où Hillary Clinton a récolté un peu plus de 50 % des voix.

Certes, certaines étapes à venir de la course à l'investiture démocrate se dérouleront dans des États peut-être plus favorables au sénateur du Vermont, dont le Michigan (6 mars), l'Illinois (12 mars) et l'Ohio (15 mars). Mais l'expérience d'Hillary Clinton lors de sa première campagne présidentielle donne une idée du défi auquel fait face aujourd'hui son rival.

En 2008, Barack Obama jouissait d'une avance d'environ 100 délégués dans la course à l'investiture à la fin du mois de février. Or, sa rivale n'avait jamais réussi à menacer cette avance par la suite, et ce, malgré ses victoires dans des États importants comme l'Ohio, la Pennsylvanie et le Texas.

Ainsi, à moins de vaincre l'ancienne secrétaire d'État par de fortes marges dans plusieurs des prochains scrutins, un scénario improbable, Bernie Sanders ne pourra combler son retard sur celle-ci en raison de la répartition proportionnelle des délégués dans chaque État.

À défaut de mener une révolution politique qui lui aurait permis de renverser la candidate de l'establishment démocrate, Bernie Sanders pourra sans doute continuer à propager le message qui a soulevé l'enthousiasme de la gauche démocrate, et notamment des jeunes.

Il pourra également se consoler en constatant qu'Hillary Clinton a adopté certains de ses thèmes et même certaines de ses tournures de phrase.

PHOTO JACQUELYN MARTIN, AP

Bernie Sanders