Planté devant une fenêtre d'une résidence étudiante au coeur du Harvard Yard, le John F. Kennedy en carton, un drapeau américain posé sur l'épaule, semble monter la garde. Ces jours-ci, l'effigie de l'ancien président démocrate originaire de Boston est aux premières loges d'une bataille en bonne et due forme au sein de sa propre armée.

Adeptes des soirées de charades politiques et des cocktails en compagnie de politiciens de passage dans la célèbre université, les Jeunes démocrates de Harvard ont l'habitude de faire front commun. Ces jours-ci cependant, ils sont divisés en deux camps qui essaient par tous les moyens de faire pencher la balance en faveur de leur candidat de prédilection.

Les Étudiants de Harvard pour Bernie Sanders tout comme les Étudiants de Harvard pour Hillary nourrissent quotidiennement les médias sociaux, distribuent des dépliants dans les cafétérias, organisent des blitz téléphoniques et des débats pour convaincre leurs pairs, mais aussi les électeurs du Massachusetts, de voter « du bon bord » ce soir. La lutte est extrêmement serrée dans l'État de JFK. Selon Real Clear Politics, Hillary Clinton a moins de 1,8 % d'avance sur son rival du Vermont.

Pousser l'argumentaire

« Ce n'est pas de la tarte de convaincre un étudiant de Harvard de changer d'idée, dit en riant Michael Kikukawa, un des leaders des troupes d'Hillary à l'université. Il ne suffit pas de leur expliquer ce qu'il y a dans le programme. Il faut connaître tous les enjeux et on se fait poser des questions très pointues sur telle ou telle politique en santé », continue le jeune homme de 20 ans qui porte un gilet de laine marqué d'un grand H bourgogne. H pour Harvard comme pour Hillary.

La joute intellectuelle avec les autres étudiants n'est pas pour lui déplaire. Michael Kikukawa étudie lui-même les affaires gouvernementales et espère décrocher un stage dans la campagne d'Hillary Clinton cet été, si cette dernière obtient l'investiture démocrate.

En attendant, il consacre de 6 à 20 heures par semaine à son bénévolat partisan. « Au New Hampshire, j'ai marché l'équivalent d'un marathon dans la température glaciale pour faire du porte-à-porte pour Hillary », raconte-t-il. Il s'y est rendu avec un autocar plein de partisans harvardiens d'Hillary Clinton.

Avant Wall Street

Un autre autocar, rempli de fans de Bernie Sanders, a aussi fait le voyage de Cambridge au New Hampshire. « Même dans une université qui forme une tonne de jeunes qui vont aller faire carrière à Wall Street, le message de Bernie Sanders intéresse beaucoup de gens », dit He Li, président des Étudiants de Harvard pour Bernie Sanders.

« Aux États-Unis, d'immenses sociétés ont trop de pouvoir sur la politique et sur l'économie. Ce n'est pas de cette façon-là qu'une démocratie doit fonctionner. »

L'organisation qu'il préside, les Étudiants de Harvard pour Bernie Sanders, a 200 membres sur sa liste d'envoi et une trentaine de bénévoles dévoués, soit presque l'équivalent du camp adverse. Comme les partisans d'Hillary, ils se font aussi visibles que possible sur le campus, mais aussi dans la région bostonienne. « Lorsque Bernie Sanders est venu en ville, j'ai convaincu une centaine d'étudiants de Harvard de se joindre à moi », dit l'étudiant en sciences de l'informatique qui terminera son programme en décembre.

Après la lutte, la guerre

He Li trouve plutôt ironique de voir plusieurs de ses amis grossir les rangs du camp adverse. « Mon colocataire fait campagne pour Hillary. On n'a pas les mêmes idées, mais on réussit à se parler sans hausser le ton », dit-il.

Les deux camps ont, à maintes reprises, regardé les débats démocrates ensemble. « On se taquine, mais au bout du compte, on sait qu'on va tous finir par se rallier derrière le candidat démocrate qui sera choisi pour la course à la Maison-Blanche, dit Michael Kikukawa. Dans une course où il semble possible que Donald Trump devienne le candidat républicain, les enjeux sont majeurs. Ce qui nous importe, par-dessus tout, c'est qu'un autre démocrate remporte la présidence. »