Le président américain Barack Obama, pragmatique à l'international malgré ses ambitions initiales, devrait s'il est réélu poursuivre la «guerre secrète» contre Al-Qaïda et privilégier la diplomatie ailleurs, avec le Proche-Orient comme dossier chaud, estiment des experts.

Alors que M. Obama retrouve lundi son adversaire républicain Mitt Romney pour un dernier débat consacré à la politique étrangère, son porte-parole Ben LaBolt assure que «le président a tenu sa parole (...) de mettre fin à la guerre en Irak de façon responsable, de s'en prendre à Al-Qaïda, de nous mettre sur le chemin de la fin de la guerre en Afghanistan et de rétablir nos alliances dans le monde entier».

Mais les quatre années au pouvoir ont été aussi marquées par l'échec dans le dossier israélo-palestinien, une gestion parfois à vue des développements chaotiques du «Printemps arabe» et des revers dans l'objectif d'«engagement» avec l'Iran et la Corée du Nord, le tout sous-tendu par des relations toujours rugueuses avec Moscou et Pékin.

En outre, M. Obama n'a plus reçu de dignitaire étranger à la Maison-Blanche depuis la mi-juin et s'est abstenu de toute réunion bilatérale formelle à l'ONU fin septembre, conscient qu'il avait plus à perdre électoralement, explique à l'AFP l'ancien sous-secrétaire d'État Karl Inderfurth.

Pour ce diplomate, M. Obama sait que les Américains ne se détermineront «pas sur son bilan de politique étrangère», même s'il est «considérable».

M. Inderfurth, expert au centre d'études CSIS de Washington, estime que lors d'un second mandat, M. Obama «sera un peu plus avisé sur ce que la main tendue (aux ennemis des États-Unis) peut apporter, après un premier mandat lors duquel certains de ses espoirs ne se sont pas concrétisés».

«Mais je ne pense pas qu'il ait abandonné cette idée, je pense aussi qu'il reconnaît que le Printemps arabe se trouve à un moment critique et qu'il va devoir s'y impliquer davantage», prédit-il.

À ce titre, le dirigeant devrait revenir à la charge sur «la grande déception du premier mandat», la paix israélo-palestinienne, «qui a des conséquences pour la région tout entière», selon M. Inderfurth, avec la question du résultat des élections en Israël le 22 janvier.

Ce dossier est aussi lié à l'Iran et à son programme nucléaire, pour lequel M. Obama affirme, malgré les critiques de M. Romney, que sa stratégie mêlant diplomatie et sanctions produit ses effets, même si une action militaire n'est pas exclue en dernier ressort.

Samedi soir, la Maison-Blanche a dû démentir un article du New York Times qui affirmait que les États-Unis et l'Iran s'étaient mis d'accord pour entamer après le 6 novembre des négociations directes sur le programme nucléaire.

Face à la menace protéiforme de l'extrémisme islamiste, M. Obama a poursuivi, étendu et perfectionné la «guerre secrète» des drones lancée sous son prédécesseur George W. Bush, que ce soit au Pakistan, au Yémen et même en Somalie, et donné son feu vert à l'opération commando qui a tué Oussama ben Laden.

Il n'a pas de raison d'abandonner cette stratégie dans un second mandat, selon Laura Blumenfeld, experte au German Marshall Fund, un groupe de réflexion de Washington.

«Le bilan d'Obama après quatre années ne correspond pas aux intentions, mais a été très efficace, et d'une certaine façon admirable si on le voit d'un point de vue américain (...) c'est un prix Nobel de la paix avec sa propre liste d'hommes à abattre», affirme-t-elle.

Pour Justin Vaïsse, de l'institut Brookings de Washington, «Obama n'appartient pas à une école de pensée particulière (...) c'est un vrai pragmatique».

«Mais cela n'empêche pas qu'il a une vision», explique l'auteur du livre «Barack Obama et sa politique étrangère». Il pense que si M. Obama s'implique au Proche-Orient, ce sera contraint et forcé, après s'être employé au contraire à s'affranchir de l'héritage interventionniste des années Bush.

Pour M. Vaïsse, le président démocrate estime que «dans les huit années qui ont précédé, l'Amérique s'est enlisée (...) et a raté la montée en puissance des pays émergents, dont la Chine», d'où sa volonté de réorienter les efforts diplomatiques et militaires américains vers l'Asie-Pacifique.