«Il se voyait comme l'homme des grandes occasions. Il aimait la pression, adorait être sous le feu des projecteurs, jouissait de l'intensité du moment. Si la solution à un problème politique était un discours, il était prêt à y aller.»

À la lecture de cet extrait de Game Change, best-seller de John Heilemann et Mark Halperin sur la campagne présidentielle de 2008, un partisan de Barack Obama peut éprouver de l'espoir ou de l'inquiétude à la veille du deuxième débat présidentiel.

Le passage fait référence à l'état d'esprit du sénateur de l'Illinois après une série de débats dominés par sa collègue et rivale de New York, Hillary Clinton, qui le devançait alors par 30 points dans certains sondages nationaux. Convaincu de ses talents d'orateur, il avait convenu avec ses conseillers de jouer son va-tout à l'occasion d'un rassemblement de militants démocrates en Iowa, au cours duquel chaque candidat à l'investiture du parti devait prononcer un discours.

Barack Obama avait électrisé la foule en cette soirée de novembre 2007, relançant sa candidature et rassurant ses partisans, y compris les donateurs de sa campagne, qui commençaient à se demander s'ils n'avaient pas misé sur le mauvais cheval. L'histoire est un exemple parmi d'autres de la capacité de ce politicien de rebondir après des performances médiocres ou des passages à vide.

En tant que président, Barack Obama a fourni la preuve de cette aptitude en réussissant notamment à promulguer une réforme de la santé qui semblait morte et enterrée en janvier 2010, après la perte du siège laissé vacant au Sénat par Edward Kennedy lors d'une élection spéciale au Massachusetts.

Mais il y a aussi, dans l'extrait de Game Change, matière à inquiéter un partisan du président. Le passage rappelle d'abord que les débats n'ont jamais été le fort de Barack Obama. Trop cérébral ou professoral, il semble avoir du mal à cacher son mépris pour ce genre d'exercice. Il en a évidemment fourni une démonstration éclatante lors de son premier débat avec Mitt Romney. À en croire les médias américains, il n'a pas consacré assez de temps et d'efforts à sa préparation, une situation qui n'a pas dû surprendre son entourage. Lors de sa première campagne présidentielle, il était également souvent distrait ou désintéressé lors des répétitions de débat.

Enthousiasme ou fatigue?

Les conséquences de la contre-performance de Barack Obama à Denver pourraient lui être fatales. Le débat a d'abord permis à Mitt Romney de prendre l'avance dans plusieurs sondages réalisés partout aux États-Unis ainsi que dans certains États-clés de l'élection présidentielle du 6 novembre, dont la Floride, la Virginie et le Colorado.

Mais ce face-à-face a également soulevé des doutes sur la passion de Barack Obama pour son travail. «Quelqu'un doit poser la question directement: est-il enthousiaste à l'idée de conserver son job, ou peut-être est-il tout simplement fatigué d'être président?» s'est demandé le commentateur progressiste Michael Tomasky au lendemain du débat de Denver, dans un texte publié sur le site internet The Daily Beast.

Barack Obama a peut-être montré ses premiers signes de lassitude lors de la convention démocrate de Charlotte, au début du mois de septembre. Le politicien qui a souvent sauvé la mise en prononçant des discours électrisants n'était pas au rendez-vous. Son allocution n'était pas mauvaise, loin de là, mais elle était inférieure aux attentes et, surtout, à celle prononcée la veille par Bill Clinton, qui a défendu le bilan du 44e président et critiqué les politiques de Mitt Romney mieux que quiconque, y compris le locataire actuel de la Maison-Blanche.

Barack Obama a affirmé la semaine dernière avoir été «trop poli» face à Mitt Romney, qui a profité du débat pour recentrer son discours. «Je pense qu'on peut dire qu'il y aura un peu plus d'action lors du prochain» débat, a-t-il déclaré lors d'une entrevue téléphonique.

Depuis samedi, le président est à Williamsburg, en Virginie, où il s'est mis au vert pour mieux se préparer au deuxième des trois débats présidentiels, qui aura lieu demain soir sur le campus de l'Université Hofstra, à Hempstead, près de New York.

On verra alors si Barack Obama est encore l'homme des grandes occasions.