Mitt Romney a admis jeudi que ses propos sur les 47 % d'Américains non imposables avec une mentalité de « victimes », filmés à son insu et qui ont enflammé la campagne, étaient « complètement incorrects » lors d'une interview télévisée.        

« Dans une campagne avec des centaines, voire des milliers, de discours et de sessions de questions-réponses, de temps en temps on dit quelque chose qui ne sonne pas bien », a reconnu le candidat républicain à la Maison-Blanche sur la chaîne conservatrice Fox News.

« En l'occurrence, j'ai dit quelque chose de complètement incorrect », a dit Mitt Romney, revenant sur des propos qu'il avait pourtant défendus sur le fond.

Il avait dans un premier temps concédé que sa formule était « inélégante » et expliqué qu'il parlait d'arithmétique électorale.

La diffusion en septembre par le site web de l'hebdomadaire de gauche Mother Jones d'une vidéo secrètement filmée en mai à une soirée de financement du candidat Romney avait suscité un tollé, en pleine campagne.

On l'y voit assurer que « 47 % (des Américains) voteront pour le président quoi qu'il arrive. Il y a 47 % des gens qui sont avec lui, qui dépendent du gouvernement, qui pensent qu'ils sont des victimes, qui pensent que le gouvernement doit s'occuper d'eux (...) Ce sont des gens qui ne paient pas d'impôts ».

Le président Barack Obama a surpris ses partisans en ne mentionnant pas la vidéo contre son adversaire lors du débat télévisé de mercredi.

Un premier débat qui donne des ailes

Il est trop tôt pour en évaluer l'impact durable sur les sondages, mais le succès de Mitt Romney au face-à-face télévisé contre Barack Obama mercredi a déjà « requinqué » la base républicaine, qui soudain « y croit » à nouveau.

Éclatant sur la scène de sa première réunion publique après le débat, Mitt Romney a revigoré jeudi les milliers de partisans venus l'écouter en plein air (10 000 selon la campagne), dans la splendide vallée rurale de la Shenandoah, en Virginie.

« Romney a donné une fessée à Obama », se réjouit Betty Jordan, un badge « Romney 2012 » accroché sur son T-shirt distribué par la puissante association du lobby des armes, la NRA (National Rifle Association). « Si Romney réussit encore les deux prochains débats, il va probablement l'emporter ».

En plein pays du charbon et du fusil, la retraitée de 63 ans était l'une des premières arrivées dans ce champ, avec son mari et un couple d'amis retraités.

L'ancienne secouriste a patienté plus de sept heures sous le soleil pour écouter le discours de 15 minutes de Mitt Romney, mais après avoir vu son colistier Paul Ryan le mois dernier à quelques kilomètres d'ici, elle ne voulait pas manquer « le prochain président américain ».

« L'assistanat, les allocations, les logements sociaux... Obama s'accroche à ces programmes sociaux, du berceau à la tombe, et c'est ce qui nous conduit à la faillite », dénonce-t-elle.

Assise près d'elle, Carolyn Patterson est convertie à Romney depuis longtemps, mais pense que le débat aura convaincu sa petite-fille de 26 ans, encore indécise, de franchir le pas.

« C'était formidable, Romney lui a marché dessus, j'étais fière de lui! », chante la retraitée.

Pour l'image, Mitt Romney s'était ostensiblement montré aux photographes de son avion de campagne, jeudi, en train de converser l'air détendu et en jeans avec ses conseillers. Même le noeud de cravate était légèrement défait.

Dans le champ de Fishersville, Mitt Romney s'est félicité que le débat ait permis de « dépasser les attaques, les contre-attaques, le théâtre de la campagne » pour se concentrer sur « le fond ».

La campagne Romney évite tout triomphalisme et souligne qu'il reste encore près de cinq semaines de campagnes et deux débats présidentiels avant le scrutin du 6 novembre. Le retournement de la course se fera « progressivement », selon le mot d'un conseiller, prudent.

Mais Paul Ryan, le populaire colistier de Mitt Romney, a noté que l'émission, regardée par 67,2 millions de téléspectateurs, marquait une inflexion dans la campagne.

« Hier soir, nous avons observé un choix très clair. Hier soir, l'Amérique a découvert l'homme que je connais, un leader », a-t-il déclaré à Fishersville.

Selon le site Politico, la campagne Romney est « obsédée » par le façonnage d'une image « présidentielle » du candidat, et l'ajout d'un discours lundi sur la politique étrangère devrait y contribuer.

Au quotidien, assuré de la pertinence de leur stratégie, le proche conseiller Ed Gillepsie assurait aux journalistes que Mitt Romney allait persister à faire le procès de la politique économique et fiscale du président.

Autre événement attendu de près par les militants : le débat entre Paul Ryan, habile orateur, et le vice-président Joe Biden, dont l'aisance à l'oral lui joue parfois des tours, le 11 octobre.

« Joe Biden ? Franchement, même moi je pourrais lui donner une fessée », s'amuse Betty, confiante.