Mitt Romney promet de «remettre l'Amérique au travail», mais dans l'Illinois, les salariés d'une usine automobile implorent le candidat républicain à la Maison-Blanche d'empêcher Bain Capital, le fonds d'investissement qu'il a fondé, de délocaliser en Chine.

Rachetée par Bain Capital en janvier 2011, l'usine de la petite ville de Freeport, dans le nord des États-Unis, est en train de fermer et Tom Gaulrapp, 33 ans d'expérience, se sent humilié d'avoir à former des ingénieurs chinois appelés à le remplacer.

Comment le républicain peut-il promettre de créer 12 millions d'emplois quand il n'a qu'à passer un appel au fonds qu'il a quitté à la fin des années 1990 pour en sauver 170?, s'interroge-t-il.

«Ce qu'on attend, c'est un miracle», lâche-t-il, dépité. «On aimerait que Mitt Romney vienne à Freeport, qu'il voie ce que ça fait à cette ville et qu'il contacte ses amis à la tête de Bain Capital» pour les faire revenir sur leur décision.

L'économie est au centre de la campagne présidentielle américaine. Le camp républicain attaque le président Barack Obama sur son manque de résultats face au chômage, tandis que les démocrates dénoncent les promesses d'un homme qui bâtit son image sur son expérience accumulée dans le privé mais s'est révélé un champion des délocalisations quand il dirigeait le fonds d'investissement.

L'équipe de campagne de Mitt Romney n'a pas souhaité faire de commentaire sur l'usine Sensata de Freeport, spécialisée dans les pièces automobiles, mais une porte-parole a expliqué à l'AFP que le candidat n'avait pas d'autorité décisionnelle sur Bain pour éviter tout conflit d'intérêt.

Le maire de cette ville en crise de 26 000 habitants, George Gaulrapp (pas de lien avec Tom), est amer lui aussi. «On ne peut pas continuer à délocaliser des emplois et maintenir l'existence de la classe moyenne», se désole-t-il.

«L'économie selon Romney»

Pam Lampos, 53 ans dont 34 chez Sensata, craint de son côté de perdre sa maison et dénonce la «cupidité de l'entreprise».

Bain Capital a racheté Sensata pour 140 millions de dollars. L'entreprise réalise un chiffre d'affaires de 130 millions, dont les trois quarts en Asie, justifient les dirigeants de Sensata.

«Il est préférable d'être proche du consommateur du point de vue du transport et de la coordination», assure son porte-parole Jacob Sayer, qui reconnaît que la fermeture de l'usine de Freeport est un «événement malheureux» pour ses ouvriers qui ont eu près de deux ans pour s'y préparer.

Quand Mitt Romney est venu faire campagne en juin dans la ville toute proche de Janesville (Wisconsin) et promettre de créer des millions d'emplois, le sang des salariés -- alors en train de former leurs successeurs chinois -- n'a fait qu'un tour.

Ils se sont mis à organiser pétitions et manifestations lors de différentes étapes de la campagne républicaine. Ils ont également installé un campement de tentes en face de l'usine pour attirer l'attention sur leur sort. On y est accueilli par une banderole souhaitant «Bienvenue à Bainport, un avant-goût de l'économie selon Romney».

Républicain encarté, Mark Schrek y a même amené ses enfants. Pour lui, «ce n'est pas un problème pour les démocrates ou les républicains, c'est un problème pour l'Amérique».

A 36 ans, c'est la seconde fois que son emploi est délocalisé en Chine. A chaque fois, l'activité était rentable, mais pas suffisamment aux yeux de ses patrons, selon lui.

Tout en veillant à côté du feu de camp, il se montre pessimiste: «C'est difficile de saisir combien la situation est sombre par ici. Je cherche un boulot depuis janvier et je n'en trouve aucun».