Kenneth Bickers et Michael Berry sont catégoriques: le 6 novembre, Mitt Romney sera élu à la présidence des États-Unis dans un raz-de-marée qui lui permettra de remporter la Floride, l'Ohio et tous les autres États clés de l'élection de 2012, à l'exception du Nevada et de l'Iowa.

Les deux politologues de l'Université du Colorado fondent leur certitude sur un modèle d'analyse politique qui a prédit le gagnant de chaque élection présidentielle américaine depuis 1980. Ce modèle tient compte de plusieurs paramètres économiques, dont les chiffres de l'emploi dans chaque État et les changements dans les revenus réels par habitant.

«L'avantage dont jouit Barack Obama en tant que président sortant n'est pas négligeable, mais il ne suffit pas à compenser les taux de chômage élevés que connaissent plusieurs États», dit Kenneth Bickers, qui compare l'élection présidentielle de 2012 à celle de 1980.

La prédiction des politologues du Colorado est loin de faire l'unanimité. Mais il demeure que Barack Obama défiera l'histoire s'il parvient à obtenir un deuxième mandat dans la conjoncture économique actuelle. Et l'analogie historique préférée du camp de Mitt Romney est justement celle que propose le professeur Bickers.

En 1980, Ronald Reagan tirait encore de l'arrière sur Jimmy Carter après les conventions des deux partis. Malgré la mauvaise situation économique, l'ancien acteur n'avait pas encore réussi à gagner la confiance des électeurs et à les convaincre de congédier le président sortant, qui le taxait d'extrémiste.

Mais l'allure de la course de 1980 allait changer de façon radicale en octobre. Lors de l'unique débat présidentiel entre Jimmy Carter et Ronald Reagan, le challenger républicain parvint à se mettre en orbite en posant une question répétée ces jours-ci par Mitt Romney et son colistier, Paul Ryan: «Êtes-vous mieux loti aujourd'hui qu'il y a quatre ans?»

Ronald Reagan devait remporter la victoire dans 44 des 50 États américains, éclipsant Jimmy Carter par près de 10 points dans le vote national.

À un peu moins de deux mois du scrutin présidentiel de 2012, Mitt Romney se retrouve dans une situation semblable à celle de Ronald Reagan à la même époque en 1980. Son retard sur Barack Obama s'est quelque peu accentué selon les premiers baromètres publiés après la convention démocrate de Charlotte. Mais il mise sur le premier des trois débats présidentiels de la campagne, prévu le 3 octobre, pour prendre son envol dans les sondages.

Le candidat républicain ne manquera certes pas d'arguments économiques pour attaquer Barack Obama. Il pourra non seulement mentionner le taux de chômage toujours élevé et la baisse des revenus réels per capita, mais également le taux de pauvreté record et un niveau d'endettement insoutenable.

«Si le Parti républicain ne peut gagner dans cet environnement, il doit abandonner la politique», a ironisé hier le commentateur conservateur George Will à l'émission This Week d'ABC.

D'autant que Mitt Romney et ses alliés républicains jouiront d'un avantage financier considérable dans le dernier droit de la campagne pour marteler leur message à coups de publicités télévisées.

Mais Barack Obama n'est pas Jimmy Carter. Et Mitt Romney n'est pas Ronald Reagan. Le camp démocrate évoque d'ailleurs une autre analogie historique en parlant de la campagne actuelle. Selon les conseillers du président, nous ne sommes pas en 1980 mais en 2004.

Comme George W. Bush à la fin de son premier mandat, Barack Obama a dû mal à recueillir plus de 50% d'opinions favorables à sa performance à la Maison-Blanche. Mais sa réélection demeure possible s'il parvient à mobiliser sa base, et notamment les femmes, les jeunes et les Latinos.

Il se peut aussi que les électeurs américains défient eux-mêmes l'histoire en jetant un regard plus nuancé sur les données économiques. Même les politologues de l'Université du Colorado reconnaissent cette possibilité.

«L'économie s'est quelque peu améliorée depuis que le président Obama est arrivé au pouvoir, dit Kenneth Bickers. Reste à voir si les électeurs analyseront l'économie en termes relatifs ou absolus. Si c'est en termes relatifs, le président se verra peut-être attribuer le mérite pour la trajectoire économique et il remportera un deuxième mandat.»

Auquel cas, le modèle analytique des politologues du Colorado subira son premier revers.