Il y a plus de 40 ans, le gouverneur du Michigan, George Romney, lançait une tradition politique qui, ironie du sort, nuit aujourd'hui aux ambitions présidentielles de son fils Mitt en fournissant des munitions à ses adversaires démocrates, dont Joe Biden.

«Lorsque son père, George Romney, était candidat à la présidence en 1968, il avait publié ses déclarations d'impôts pour les 12 années précédentes, car il disait qu'une seule année pourrait ne pas être représentative», a rappelé le vice-président la semaine dernière lors d'un discours devant un groupe hispanique.

«Son fils a publié sa déclaration d'impôts pour une année, faisant mentir le proverbe "tel père, tel fils"», a-t-il ajouté avant de décocher une attaque à double sens: «Mitt Romney veut que vous montriez vos papiers, mais il ne veut pas nous montrer les siens.»

Quelques jours plus tard, l'ancien gouverneur du Massachusetts a répété qu'il n'avait pas l'intention de publier ses déclarations d'impôts d'avant 2010. Son refus aide les démocrates à le dépeindre, à tort ou à raison, comme un candidat qui cache des secrets inavouables.

«Son père, George Romney, a créé un précédent selon lequel les candidats à la présidence doivent rendre publiques leurs déclarations d'impôts. Mais Mitt Romney ne peut pas faire de même parce qu'il n'a pratiquement pas payé d'impôts pendant 12 ans», a déclaré la semaine dernière le chef de la majorité démocrate au Sénat, Harry Reid, sans toutefois prouver son affirmation.

À en croire le camp de Barack Obama et ses alliés, les secrets de Mitt Romney ne se limitent pas à ses déclarations d'impôts, mais s'étendent également à ses comptes à l'étranger et à son rôle au sein du fonds d'investissement Bain Capital.

Le mensuel Vanity Fair et l'Associated Press ont contribué à étayer la thèse démocrate en publiant récemment des dossiers sur le réseau opaque d'investissements de Mitt Romney dans des endroits considérés comme des paradis fiscaux, dont les îles Caïmans et les Bermudes.

Mitt Romney a assuré avoir payé tous ses impôts «comme il se doit» et avoir rapporté tous ses revenus au gouvernement. Ses adversaires démocrates lui ont répondu: «Prouve-le».

Ils lui ont servi la même réponse après qu'il eut nié avoir joué un rôle au sein de Bain Capital de 1999 à 2002, et ce, même s'il était officiellement pendant cette période l'unique actionnaire, le président du conseil d'administration et le PDG de ce fonds, qui lui a par ailleurs versé un salaire annuel dépassant 100 000$ en 2001 et en 2002.

De 1999 à 2002, Mitt Romney affirme avoir consacré tout son temps aux Jeux olympiques de Salt Lake City. Et il rejette toute responsabilité pour les mises à pied, les faillites et les délocalisations survenues durant ces années dans des entreprises ayant appartenu à Bain Capital.

Excuses réclamées à Obama

Vendredi, lors d'un blitz médiatique, il a même réclamé des excuses à Barack Obama pour l'accusation formulée par une porte-parole de sa campagne, selon laquelle il a peut-être menti sur la date de son départ de Bain Capital et enfreint la loi.

Loin de s'excuser, l'équipe du président Obama est revenue à la charge le lendemain avec une pub redoutable contre les investissements de Mitt Romney à l'étranger et son bilan comme patron de Bain Capital et gouverneur du Massachusetts. On y entend le prétendant républicain massacrer la chanson patriotique America the Beautiful, un exercice périlleux auquel il s'était livré pendant les primaires, pendant que défilent à l'écran des phrases tirées d'articles de journaux ou de reportages télévisés: «Les entreprises de Mitt Romney ont délocalisé des emplois au Mexique»; «En tant que gouverneur, Romney a sous-traité des emplois en Inde»; «Il avait des millions dans un compte en Suisse, dans des paradis fiscaux comme les Bermudes et les îles Caïmans».

Mitt Romney et ses porte-parole ont voulu voir dans les attaques du camp démocrate une preuve de son incapacité à défendre le bilan économique du président. Mais des personnalités républicaines et conservatrices ont conseillé le week-end dernier à l'ancien gouverneur du Massachusetts de dévoiler au public au moins un des «secrets» pour lesquels ses adversaires le tourmentent.

«Il devrait publier ses déclarations d'impôts demain. C'est fou», a déclaré le commentateur conservateur William Kristol hier sur Fox News. «Un candidat doit publier ses déclarations d'impôts sur six, huit, dix ans. Qu'il encaisse le coup pour une ou deux journées.»

Bien sûr, si Mitt Romney reste très discret sur ses impôts, c'est peut-être qu'il craint d'avoir à encaisser le coup pendant plus d'une ou deux journées.