Dans le coin droit, Scott Walker, gouverneur du Wisconsin, rock star du Tea Party et bête noire des syndicats. Dans le coin gauche, Tom Barrett, maire de Milwaukee, espoir du Parti démocrate et cible privilégiée des frères Bill et Charles Koch, entre autres milliardaires.

Demain, les deux hommes s'affronteront dans un scrutin dit de rappel (recall) dont le résultat aura un impact non seulement sur le Wisconsin mais également sur plusieurs autres États américains, et même sur la course à la Maison-Blanche entre Barack Obama et Mitt Romney.

Si Scott Walker perd, il deviendra le troisième gouverneur d'un État américain à être destitué à la suite d'une telle procédure. Le plus récent aura été le gouverneur de Californie Gray Davis, qui avait perdu son poste en 2003 au profit d'Arnold Schwarzenegger.

Le scrutin du Wisconsin est l'aboutissement d'une longue bataille qui a commencé peu après l'assermentation de Scott Walker à titre de gouverneur de cet État du Midwest normalement réputé pour sa placidité.. Porté au pouvoir en novembre 2010 par la vague conservatrice et populiste du Tea Party, cet émule de Ronald Reagan a eu tôt fait de susciter la controverse en s'attaquant aux acquis et aux droits des employés du secteur public du Badger State.

Au nom de la rigueur budgétaire, ce fils de pasteur très pieux a d'abord proposé de couper dans les retraites et l'assurance-santé des fonctionnaires puis de réduire leur droit de négocier des conventions collectives. Ces propositions ont fini par être adoptées, mais pas avant de donner lieu à Madison, capitale de l'État, à plusieurs semaines de manifestations auxquelles ont participé des centaines de milliers de syndiqués, d'étudiants et de citoyens ordinaires.

Elles ont aussi motivé des centaines de militants à recueillir près d'un million de signatures en faveur d'une procédure de destitution visant Scott Walker, soit trois fois plus que le nombre requis.

Selon les plus récents sondages, le gouverneur républicain devance son rival démocrate par environ cinq points de pourcentage. Il aura bénéficié d'un avantage financier considérable durant sa campagne, ayant récolté 30,5 millions de dollars depuis la fin de 2011, dont les deux tiers sont venus de donateurs vivant à l'extérieur du Wisconsin. Parmi eux figurent des milliardaires bien connus, dont les frères Koch et le magnat des casinos Sheldon Adelson, qui partagent sa hantise des syndicats et sa préférence pour un État le plus «limité» qui soit.

Tom Barrett, dont la campagne a commencé en mars, aura dû se contenter de 4 millions de dollars, dont le quart est venu de l'extérieur du Wisconsin. Il aura cependant pu compter sur l'aide d'organisations financées par les grands syndicats. Ceux-ci, comme plusieurs groupes issus du milieu des affaires, ont consacré des millions à la campagne de leur candidat préféré.

Au total, les candidats et les groupes indépendants auront dépensé quelque 63,5 millions dans le cadre du scrutin de rappel, selon le Center for Public Integrity. Il s'agit d'un montant record pour une campagne politique au Wisconsin.

L'enjeu de cette bataille n'échappe à personne. Une victoire de Scott Walker encouragerait d'autres gouverneurs républicains à imiter son approche. Elle représenterait aussi une confirmation de la force du Tea Party et du sentiment anti-gouvernement, anti-taxes et anti-Obama qui a contribué à sa naissance. Et elle constituerait un excellent présage pour la campagne présidentielle de Mitt Romney.

Barack Obama a battu John McCain par 14 points de pourcentage au Wisconsin lors de l'élection présidentielle de 2008. Selon une moyenne de sondages récents, il devance Mitt Romney par seulement 4,7 points de pourcentage dans cet État.

Ni Barack Obama ni Mitt Romney n'ont fait campagne pour un des candidats au scrutin de rappel, craignant sans doute d'être éclaboussés par la défaite de leur poulain. De grosses pointures démocrates et républicaines se sont cependant rendues au Wisconsin pour tenter d'influencer les électeurs. Scott Walker a ainsi reçu l'aide des gouverneurs Chris Christie du New Jersey, Nikki Haley de la Caroline-du-Sud, Bobby Jindal de la Louisiane et Bob McDonnell de la Virginie.

«Toute l'Amérique aura les yeux tournés vers le Wisconsin le 5 juin», a déclaré le gouverneur Christie en saluant le «courage» de Scott Walker.

De son côté, Tom Barrett a profité vendredi de la présence à ses côtés d'un ancien président, en l'occurrence Bill Clinton.

«D'ordinaire, je suis contre les scrutins de rappel, mais c'est parfois la seule façon d'éviter une voie catastrophique», a déclaré le 42e président.