Quand elle a reçu une liste de 115 noms d'électeurs «illégaux» à purger de la liste électorale de son comté, Susan Bucher a décidé d'y regarder de plus près.

Superviseure des élections du comté de Palm Beach, en Floride, Mme Bucher a vite réalisé que la liste, fournie par l'État de la Floride, avait été constituée à partir de documents désuets.

«L'État de la Floride utilise des données incomplètes vieilles d'il y a 10 ans pour tirer des conclusions et décider de purger des électeurs, a expliqué Mme Bucher, en entrevue avec La Presse, hier. Ce n'est pas un projet crédible. C'est partisan.»

À cinq mois de l'élection présidentielle, l'État de la Floride vient d'entreprendre une vaste campagne de purge de sa liste électorale. Jusqu'à 182 000 électeurs sont soupçonnés d'être «illégaux».

Piloté par le gouverneur républicain et héros du Tea Party Rick Scott, la campagne vise à mettre à jour les documents électoraux de la Floride, dont le vote pourrait être décisif dans la course à la Maison-Blanche. En l'an 2000, une avance de 537 votes en Floride avait donné la présidence à George W. Bush.

Déjà, l'État a envoyé des lettres à 2600 électeurs inscrits potentiellement de façon illégale. Hier soir, le département de la Justice a envoyé une lettre au gouvernement de la Floride, dans laquelle il demande à l'État de mettre fin au processus de purges. Le gouverneur n'a pas réagi immédiatement.

En février, le secrétaire d'État de la Floride, Kurt Browning, a remis sa démission après avoir reçu l'ordre du gouverneur Scott d'aller de l'avant avec le programme de purges, auquel il s'opposait. Les critiques affirment que les électeurs noirs et latinos, qui votent traditionnellement pour les démocrates, sont disproportionnellement visés par ces purges.

Plus tôt ce mois-ci, Bill Internicola, vétéran de la Seconde Guerre mondiale âgé de 91 ans, a reçu une lettre affirmant qu'il «n'est pas un citoyen américain». Maureen Russo, résidante de Fort Lauderdale depuis plus de 40 ans, a aussi reçu une lettre lui intimant de fournir une «preuve de citoyenneté» dans les 30 jours, sans quoi son nom serait rayé de la liste.

En entrevue sur les ondes de MSNBC, hier, le directeur du Parti républicain de la Floride, Lenny Curry, a concédé que le processus n'était pas optimal.

«La Floride est un État clé pour l'élection, et nous voulons nous assurer que chaque individu qui vote soit un citoyen américain. Il y a certainement des problèmes avec nos données...»

Hier également, un juge fédéral a bloqué une clause d'une nouvelle loi en Floride qui impose un fardeau administratif «injuste et radical» aux groupes qui tentent d'inscrire de nouveaux électeurs sur la liste électorale.

Pour l'instant, Mme Bucher, du comté de Palm Beach, a décidé d'ignorer la demande de purge envoyée par l'administration de Rick Scott. Elle est surprise de devoir dire non au gouverneur.

«Le rôle des superviseurs des élections n'est pas politique, dit-elle. Mais dans le cas présent, le gouverneur nous a traînés en territoire politique et nous devons réagir.»