Dépénaliser la drogue, fermer la banque centrale, ignorer l'Iran et réduire l'aide à Israël: les idées soudainnement populaires de Ron Paul, candidat à la Maison-Blanche, donnent la migraine au parti républicain, qui ne sait comment gérer cet électron libre.

À 76 ans, le doyen des six principaux candidats à l'investiture républicaine suscite à la surprise générale l'engouement d'électeurs jeunes et indépendants. Le représentant du Texas a ainsi fini dans le trio de tête les deux premiers scrutins organisés dans le New Hampshire et l'Iowa afin de sélectionner l'adversaire de Barack Obama à la présidentielle de novembre.

Ultralibéral, isolationniste, mais progressiste sur les questions de société: Ron Paul n'a rien du républicain classique et est d'ailleurs un transfuge du parti «libertaire» aux positions atypiques, sous l'étiquette duquel il a été candidat à la présidentielle en 1988.

Déjà candidat à l'investiture républicaine en 2008, «il utilise le parti républicain pour sa candidature à la présidentielle, mais pour moi ça n'est pas un candidat républicain», dit de lui Terry Holt, un ancien des équipes de campagne de George W. Bush.

Pourtant, sa percée dans les sondages oblige son parti à prendre ses thèmes de campagne au sérieux, même s'ils sont aux antipodes de celles de Mitt Romney, le favori de la course dans l'écurie conservatrice.

«Si les républicains ne comprennent pas les aspects importants de ce que dit Ron Paul, je pense que nous n'arriverons plus à exister en tant que parti de gouvernement», a lancé le sénateur ultraconservateur Jim DeMint jeudi sur la chaîne Fox News.

«Il y a des choses auxquelles je ne saurais souscrire en matière de politique étrangère, mais ce qu'il dit sur la Réserve fédérale qui n'en fait qu'à sa tête, sur les libertés individuelles et sur le retour de l'État fédéral dans des limites définies par la Constitution sont des choses que tout le pays doit écouter», a estimé M. DeMint.

Difficile d'imaginer que M. Paul puisse inquiéter le multimillionnaire Mitt Romney dans la course à l'investiture qui se déroulera État par État jusqu'à l'été. Mais les caciques du parti redoutent qu'un Ron Paul exclu de la course ne se lance en indépendant contre les candidats démocrate et républicain, comme il l'avait fait en 1988 (il n'avait alors recueilli que 0,5% des voix à la présidentielle).

Pour M. Holt, la popularité actuelle de Ron Paul lui donnerait cette fois une capacité de nuisance nettement plus grande vis-à-vis du candidat républicain. L'appareil du parti se demande donc comment garder Ron Paul et ses partisans à bord du navire républicain.

«La question qui se pose avec Ron Paul, c'est de savoir ce qu'il veut», relève M. Holt. «Ce n'est pas quelqu'un qui s'intéresse aux marchandages ni aux négociations», ajoute l'ancien conseiller de campagne, qui a vu Ron Paul à l'oeuvre au Congrès: «On ne pouvait jamais rien lui donner en échange de son vote».

Le programme de Ron Paul est tellement radical qu'il est du reste difficile d'imaginer comment les républicains pourraient lui offrir d'abolir à moitié la Réserve fédérale ou bien de revenir à moitié à l'étalon-or.

Il serait question d'offrir à Ron Paul comme lot de consolation un créneau de choix pour son discours devant la convention républicaine qui aura lieu fin août à Tampa Bay, en Floride (sud-est). Si c'est le cas, jamais ses idées n'auront eu une telle tribune aux États-Unis.