«Mais nous dirigeons l'Amérique depuis des années!», sourit Aaron Sherinian, membre de l'église mormone. Au-delà de la plaisanterie, le prochain président des États-Unis pourrait être pour la première fois un mormon: un «atout» pour mieux se faire connaître, selon ses fidèles.

Mitt Romney, ancien gouverneur du Massachusetts, est avec Jon Huntsman, ex-gouverneur de l'Utah, l'un des deux mormons candidats à l'investiture républicaine et il est même, jusqu'à présent, bien placé pour la remporter.

Comme en 2008 quand il était déjà en course, la question de sa religion a récemment refait surface et déclenché une polémique dans la sphère politico-religieuse: l'église mormone est une «secte», selon un partisan du candidat républicain Rick Perry, protestant méthodiste.

«Absolument pas!», se récrie, lors d'une rencontre avec l'AFP, Seth Lucia, avocat et dirigeant de la communauté mormone d'Arlington, au sud de Washington, «nous sommes des chrétiens, tout ce que nous faisons est ouvert, toutes les questions peuvent être posées».

Et si l'immense Temple de Kensington, au nord de Washington, est interdit aux non-mormons, c'est qu'il a «un statut particulier, c'est un sanctuaire», ajoute-t-il. Là, ont lieu les cérémonies sacrées, mariages, baptêmes, baptêmes rétrospectifs des morts non mormons.

L'Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours, son nom officiel, est connue pour ses missionnaires, sa pratique -rejetée en 1890- de la polygamie et son expertise en généalogie, développée pour des raisons religieuses.

Née aux États-Unis, elle affirme rassembler six millions de personnes dans le pays, et huit millions ailleurs dans le monde.

En 1820, le jeune Joseph Smith a affirmé avoir vu Dieu et Jésus-Christ lui confier la tâche de restaurer l'église des origines, avec l'aide du Livre de Mormon. Persécutés, les mormons se sont réfugiés en Utah et vivent aujourd'hui surtout dans l'Ouest des États-Unis.

Dans la vie quotidienne, un mormon ne se distingue pas d'un autre Américain, en costume cravate ou talon haut et maquillage.

Mais les règles sont strictes: «pas d'alcool, de tabac, de thé, de café», dit Aaron Sherinian, responsable à la Fondation des Nations unies, et des valeurs conservatrices, sur l'avortement, le mariage homosexuel, la chasteté avant le mariage. Priorité à la famille, à la communauté. 10% des revenus sont donnés à l'église.

Quand un scandale éclate, notamment lié à la pratique de la polygamie, il s'agit de «dissidents», disent-ils.

Quant à la politique, «notre Église est catégorique, elle ne prend pas position», dit M. Lucia.

Les mormons, souvent républicains, abritent «toutes les opinions politiques», ajoute Emily Sherinian qui rappelle que le leader démocrate du Sénat Harry Reid, est mormon.

Alors, Mitt Romney à la Maison-Blanche? Pourquoi pas, mais le seul «atout» qu'il apporte aujourd'hui à ses coreligionnaires, «c'est qu'il nous donne l'occasion de parler de nous», dit son époux.

Jill Casillas, assistante dentaire à la retraite, serait «très heureuse si le locataire de la Maison-Blanche était quelqu'un qui a des principes chrétiens». Si c'est Romney, «ça me va, mais si je me lève à l'église et que je dis, «on doit voter Romney parce qu'il est mormon», on me demandera de me taire».

Le terme «mormon» est pourtant, pour 60% des Américains, le premier à qualifier M. Romney, selon l'institut Pew. Mais 80% ne prendront pas en compte la religion pour voter, selon un autre sondage CNN. «Les mormons ne sont pas un problème, c'est Romney qui en est un», affirme sur le blogue de CNN «Independant Voter».

Pour un fidèle, qui n'a pas voulu être identifié, «les Américains vont voter avec leur portefeuille, les mormons comme les autres. Cette élection ne repose pas sur la religion, mais sur l'économie».