Les lacunes de l'armée irakienne, patentes lors de la fulgurante offensive des djihadistes de l'État islamique en juin au nord de Bagdad, risquent de compliquer la tâche de la coalition internationale qui veut éradiquer l'État islamique (EI).

Les États-Unis, qui mettent en place une alliance internationale pour «détruire» ce groupe ultra-radical semant la terreur en Irak et en Syrie voisine, n'enverront pas de troupes au sol et comptent sur les forces irakiennes pour combattre les djihadistes, contre lesquels Washington entend toutefois intensifier ses frappes aériennes.

Dans le cadre de cette stratégie, Washington a décidé de «reconstruire» l'armée irakienne via la fourniture par les États-Unis et d'autres pays de la coalition d'équipements, d'instructeurs et moyens de renseignement militaires.

Ces derniers mois, cette armée s'est surtout distinguée par son incapacité à freiner les djihadistes. Après avoir perdu en début d'année la grande ville de Fallouja et une partie d'une autre à l'ouest de Bagdad, les soldats irakiens ont abandonné leurs positions face à l'offensive que l'EI a lancée en juin au nord de la capitale.

Et depuis le début des raids aériens américains début août, la reconquête du terrain par l'armée a été minime et surtout le fait de quelques unités d'élite appuyées par des milices chiites et des peshmergas kurdes dans le nord, et des tribus sunnites dans l'ouest.

Peu d'entraînement et d'expérience

L'armée n'était pas «prête à se battre à la fin de 2011» quand les États-Unis se sont retirés d'Irak, indique Anthony Cordesman, un expert du Center for Strategic and International Studies. Selon lui, l'ex premier ministre Nouri Al-Maliki, un chiite, «a affaibli l'armée en la corrompant et en la rendant loyale à sa personne», ce qui a privé l'armée fédérale du soutien de la minorité sunnite.

Dans la foulée de l'invasion de l'Irak en 2003, les Américains avaient dissous l'armée de Saddam Hussein, alors forte de 450 000 militaires. Une nouvelle force, dont l'effectif actuel approche les 200 000 hommes, avait été reconstituée dans le but de pouvoir maintenir la sécurité après le retrait américain, mais les Irakiens se sont souvent plaints du manque d'équipements et d'encadrement.

«Entre 2011 et le début de 2014, les soldats n'ont reçu que peu d'entraînement et n'ont eu que peu d'expérience du combat», assure John Drake, un analyste spécialisé dans l'évaluation des risques chez AEK Group. «La plupart d'entre eux ont passé leur temps à contrôler des barrages et des véhicules et non pas à combattre les insurgés sur le terrain».

L'essentiel des progrès enregistrés récemment par les forces de sécurité l'ont ainsi été avec un solide appui de milices chiites, connues ces dernières années pour leurs violences contre les sunnites et dont certains membres combattaient encore les soldats américains il y a quelques années.

Garde nationale

«À court terme, presque toutes les offensives se feront avec l'appui, sous une forme ou une autre, de milices ou volontaires chiites placés sous commandement de l'armée irakienne», souligne Ayham Kamel, directeur Moyen-Orient et Afrique du Nord pour Eurasia Group.

Cependant, estime-t-il, le renforcement de l'aide américaine auprès de l'armée réduira progressivement ce besoin d'appui externe.

En attendant, cette dépendance vis-à-vis des combattants chiites peut continuer d'aliéner la minorité sunnite alors que son soutien est crucial pour l'armée si elle veut reprendre du terrain à l'EI dans les zones majoritairement sunnites qu'il occupe.

Les groupes djihadistes comme l'EI ont en effet su profiter du fort sentiment anti-gouvernemental chez les sunnites pour se développer ces dernières années. Ils ont ainsi pu recruter et opérer plus facilement, selon des experts.

Pour regagner la confiance des sunnites, le nouveau premier ministre irakien Haïdar Al-Abadi a proposé la mise d'une place d'une «garde nationale» qui permettrait aux provinces d'être défendues par une force composée localement.

Les désaccords de longue date entre les Arabes et les Kurdes, qui ont leur propre région autonome dans le nord du pays, pourraient par ailleurs poser des problèmes de coordination entre l'armée et les peshmergas.

Ces combattants kurdes ont en effet profité de la débandade de l'armée pour occuper des territoires disputés avec le gouvernement fédéral. Et les Kurdes veulent à présent les incorporer à leur région, une idée que Bagdad repousse.