«Vous, le calife, pouvez accorder l'amnistie»: la mère désespérée d'un journaliste américain menacé d'exécution par les jihadistes de l'État islamique (EI) a supplié mercredi leur chef Abou Bakr al-Baghdadi d'épargner son fils.

Au moment même où un autre ex-otage en Syrie, Peter Theo Curtis arrivait «submergé par l'émotion» aux États-Unis, la mère de Steven Sotloff a brisé son silence, et dans une brève vidéo diffusée par de nombreux médias, imploré le calife autoproclamé de l'EI.

«Je vous adresse un message à vous, Abou Bakr al-Baghdadi al-Quraishi al-Hussaini, le calife de l'État islamique. Je suis Shirley Sotloff. Mon fils Steven est entre vos mains», a déclaré Mme Sotloff.

«Vous, le calife, pouvez accorder l'amnistie. Je vous demande, s'il vous plaît, de libérer mon enfant», a imploré Mme Sotloff, expliquant que son fils de 31 ans était «un journaliste innocent», qui s'était rendu au Proche-Orient «pour couvrir les souffrances des musulmans aux mains de tyrans».

Elle avait jusqu'à présent demandé le secret total sur son enlèvement il y a un an en Syrie.

Mais le 19 août, l'EI a montré Steven Sotloff vêtu d'une tunique orange, dans la vidéo de la décapitation du journaliste américain James Foley. Les jihadistes ont affirmé que Sotloff serait le prochain à mourir, si les États-Unis ne cessaient pas leurs bombardements contre les positions de l'EI en Irak.

«En tant que mère, je demande à votre justice d'être miséricordieuse et de ne pas punir mon fils pour des choses sur lesquelles il n'a aucun contrôle», a insisté Mme Sotloff, enseignante à Miami (Floride, sud-est). Elle a expliqué avoir étudié l'islam depuis la disparition de son fils, qui a travaillé notamment pour Time et Foreign Policy, et que l'islam enseigne que «personne ne doit être tenu responsable des péchés d'autrui».

«Steven n'a pas de contrôle sur les actions du gouvernement américain», a-t-elle encore insisté dans ce plaidoyer à Abou Bakr al-Baghdadi, autoproclamé calife des musulmans dans le monde, au moment de la proclamation d'un califat à cheval sur la Syrie et l'Irak fin juin par l'EI. Personne ne reconnaît son autorité en dehors de l'EI.

La Maison-Blanche a réagi avec prudence à cette vidéo, rappelant que l'administration faisait «tout son possible pour le retour de tous les Américains détenus dans cette région».

Mme Sotloff, «comme c'est évident dans la vidéo se sent désespérée quant à la sécurité et au bien-être de son fils, et c'est compréhensible. Nos pensées et prières accompagnent la famille Sotloff dans ce moment très difficile», a déclaré son porte-parole Josh Earnest.

Plusieurs fois torturé

Mercredi, un autre ex-otage américain, Peter Theo Curtis, 45 ans, s'est à l'inverse dit «submergé par l'émotion», après être rentré chez lui à Cambridge près de Boston.

Son enlèvement par le Front al-Nosra, la branche syrienne d'Al-Qaïda qui l'a détenu durant 22 mois, avait également été tenu secret, jusqu'à sa libération dimanche, quelques jours après la décapitation de James Foley.

«Je n'avais aucune idée quand j'étais en prison que tant d'efforts étaient déployés pour moi», a-t-il déclaré, souriant mais un peu nerveux, parlant brièvement aux journalistes devant chez lui.

Et il a remercié «du fond du coeur» les «centaines de personnes (...) partout dans le monde» ayant oeuvré à sa libération.

Le Qatar notamment a affirmé avoir mené «des efforts acharnés» pour cette libération.

Peter Theo Curtis a d'abord été remis à des Casques bleus des Nations unies sur le Plateau du Golan dimanche soir, puis à des représentants américains qui l'ont transféré à Tel-Aviv d'où il s'est envolé mardi pour les États-Unis. Il est arrivé mardi soir à Boston.

L'ancien otage, présenté par sa famille comme un écrivain, chercheur et journaliste pigiste, n'a répondu à aucune question.

Il avait été détenu à Alep en Syrie avec un photographe américain, Matt Schrier, qui a raconté sur CBS avoir réussi à s'enfuir par une petite fenêtre, sept mois après avoir été enlevé. Mais en dépit de leurs efforts, Curtis, légèrement plus large, était resté coincé et n'avait pas pu s'évader.

Il a été plusieurs fois torturé. Il parlait arabe, connaissait la région, et ses geôliers pensaient qu'il était un agent de la CIA, a expliqué Matt Schrier.

Les autorités américaines n'ont jamais donné de chiffres sur le nombre d'Américains enlevés en Syrie, mais chaque jour semble apporter une nouvelle révélation.

Selon la presse américaine, citant sa famille, une Américaine de 26 ans est également détenue par l'EI, après avoir été enlevée l'an dernier en Syrie où elle effectuait une mission humanitaire. Un homme, également travailleur humanitaire, est aussi prisonnier de l'EI, selon le New York Times, et un autre journaliste pigiste, Austin Tice, serait lui prisonnier du Front al-Nosra, selon le Washington Post, pour lequel il travaillait parfois.