Les ministres des Affaires étrangères de l'UE ont cautionné vendredi, comme le souhaitait la France, les livraisons d'armes aux combattants kurdes qui luttent contre les jihadistes de l'État islamique (EI) en Irak.

«Nous avons trouvé une position commune qui, dans l'esprit dit la chose suivante: "l'UE salue le fait que certains pays vont répondre favorablement à la demande des forces de sécurité kurdes"», a annoncé le ministre allemand, Frank-Walter Steinmeier.

La décision de livrer des armes revient à chaque État membre. L'enjeu de la réunion était donc de parvenir à une position commune manifestant un soutien clair aux Kurdes et au gouvernement à Bagdad.

«C'est une décision importante, et d'autres pays devraient suivre une voie identique ou voisine à celle de la France», s'est félicité le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius.

La France, comme l'Italie et la Grande-Bretagne, étaient particulièrement soucieux que l'UE fasse le maximum pour renverser le rapport de force en Irak, où les jihadistes de l'EI ne cachent pas leur ambition de s'emparer du pays tout entier pour y créer un État.

Menace extrême

C'est un «conflit extrêmement difficile et un groupe d'une dangerosité extrême, pas seulement pour la région menacée, mais pour nous tous», a insisté M. Fabius.

Même Berlin, plus réticent au départ, a fait taire ses réserves. «Les Européens ne doivent pas se limiter à saluer le combat courageux des forces kurdes. Nous devons aussi faire quelque chose pour répondre à leurs besoins», a souligné M. Steinmeier, qui se rendra en Irak ce week-end. L'Allemagne a toutefois jusque-là limité son soutien à la fourniture de matériels militaires non létaux.

Restait à convaincre ceux, Suède, Irlande, Finlande et Autriche, qui sont hostiles par principe à la fourniture d'armes en zones de conflit, ou inquiets d'éventuelles tentations indépendantistes kurdes.

Le ministre autrichien a notamment mis en garde contre le risque de voir les armes livrées tomber «entre les mauvaises mains».

Jusqu'à maintenant, Paris et Londres sont les seuls à être montés au créneau: la France va livrer des «armes sophistiquées» aux Kurdes d'Irak, et Londres envisage «favorablement» la possibilité d'armer les forces kurdes.

À court terme, la contribution européenne vise surtout à fournir des munitions aux Kurdes qui disposent d'un armement «vétuste» d'origine soviétique, ce que les pays de l'ex-bloc soviétique sont le plus à même de faire, a souligné un haut responsable européen.

Les ministres sont aussi convenus de tenter d'impliquer tous les pays de la région, de l'Arabie saoudite à l'Iran, dans la lutte contre l'EI.

«Il est important que tous montent à bord», car «il ne s'agit pas seulement de réussir à stopper l'offensive de l'EI, mais de la repousser», souligne-t-on dans les services diplomatiques européens.

Le ministre britannique des Affaires étrangères, Philip Hammond, s'est dit «confiant» en un tel soutien international, après la décision du premier ministre irakien sortant Nouri al-Maliki de finalement céder le pouvoir, laissant espérer la formation rapide d'un gouvernement d'union. Les 28 ont salué la nomination de son successeur, Haïdar al-Abadi.

Sur le plan humanitaire, les ministres se sont mis d'accord pour mettre en place une sorte de pont aérien facilitant l'acheminement de l'aide.

L'UE veut aussi essayer de tarir les sources de financement de l'EI, dont la principale «semble être le pétrole», une préoccupation également partagée par l'ONU, selon un haut responsable européen.

Ces décisions ont été prises à l'unanimité, a souligné la chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, qui a convoqué cette réunion d'urgence.

Des tribus sunnites prennent les armes

D'importantes tribus sunnites ont pris les armes vendredi dans l'ouest de l'Irak contre les jihadistes de l'État islamique (EI), un groupe extrémiste sunnite, et les insurgés les soutenant, a-t-on appris auprès d'un leader tribal et d'officiers.

Ce soulèvement dans la province d'al-Anbar, où les insurgés sunnites contrôlent des secteurs importants, a été lancé au lendemain de la décision du premier ministre sortant, Nouri al-Maliki, honni par la minorité arabe sunnite, de renoncer à un 3e mandat.

Cette province, frontalière de la Syrie, avait déjà vu en 2006 la naissance d'un soulèvement contre les insurgés extrémistes qui avait entraîné une réduction considérable des violences.

Ce nouveau mouvement de plus de 25 tribus sunnites locales pourrait marquer un tournant dans la guerre contre les jihadistes.

Depuis le 9 juin, l'EI s'est emparé de pans entiers du territoire au nord, à l'ouest et à l'est de Bagdad, rencontrant quasiment aucune résistance des forces armées. Des secteurs de Ramadi, chef-lieu d'al-Anbar, et toute la ville de Fallouja échappaient déjà au contrôle de l'État depuis janvier.

«Cette révolte populaire a été convenue par toutes les tribus souhaitant combattre l'EI qui a fait couler notre sang», a expliqué à l'AFP cheikh Abdeljabbar Abouricha, un des leaders du soulèvement.

Le général Ahmed Saddak, de la police d'al-Anbar, a fait état du soutien des forces de sécurité gouvernementales à ce soulèvement, déclenché à 06h00 locales (0h00 heure du Québec) vendredi.

«Les combats se poursuivent», a-t-il assuré faisant état de 12 insurgés tués. «Nous n'arrêterons pas avant la libération d'al-Anbar», a-t-il ajouté.

Cette contre-offensive a commencé par des attaques sur plusieurs secteurs au nord-ouest de Ramadi, selon MM. Abouricha et Saddak.

Le colonel de police Ahmed Choufir a pour sa part indiqué que les Brigades Hamza, un groupe qui avait lutté par le passé contre les insurgés liés à Al-Qaïda, avait repris du service.

Ce groupe a pour mission de bouter les insurgés hors des secteurs qu'ils tiennent à l'ouest de Haditha, une autre ville de la province d'al-Anbar, selon lui.

M. Abouricha a révélé que l'opération était en préparation depuis plusieurs semaines, sans lien avec l'annonce du Premier ministre sortant.

M. Maliki était accusé d'avoir alimenté le chaos, surtout la montée en force des jihadistes sunnites, en menant une politique autoritaire excluant la minorité sunnite dans un pays majoritairement chiite.

Son départ devrait rendre la coopération des Arabes sunnites avec le Premier ministre désigné Haïdar al-Abadi plus acceptable et ouvrir la voie à la mise en place d'un gouvernement d'union.