Les indignés l'ont rangé du côté des expériences qui changent le cours d'une vie, tandis que les commentateurs y ont vu une voix puissante dans la conversation nationale, mais l'homme ayant contribué à lancer la version canadienne d'Occupons, Kalle Lasn, affirme que les manifestants ont échoué à concrétiser la vision qu'il avait du mouvement.

Le cofondateur du magazine vancouvérois Adbusters, l'un des instigateurs du mouvement Occupons au pays, soutient que les manifestations dénonçant le déséquilibre fiscal et l'influence des élites commerciales ont été affaiblies par la mauvaise représentation qu'en ont fait les médias, en plus de l'absence de la passion ayant caractérisé certains rassemblements aux États-Unis.

Les indignés canadiens sont descendus dans les rues le 15 octobre, trois mois après que l'Adbusters Media Foundation eut publié une publicité provocatrice, exhortant ses lecteurs à imiter les militants d'Occupons Wall Street. Les manifestations avaient commencé un mois plus tôt à New York, où des militants s'étaient mis à occuper le parc Zuccotti à Manhattan.

Tandis que des protestataires ont répété le scénario au pays, d'Halifax à Vancouver, piquant leurs tentes dans des espaces publics et discutant des façons de renverser le statu quo, M. Lasn a souligné que la démarche canadienne était dépourvue du cran dont faisait preuve les indignés américains.

«Je dois admettre qu'il y a quelque chose de spécial au Canada. Mais d'un autre côté, j'ai trouvé qu'il y avait plus de vigueur et de cran dans les occupations se déroulant aux États-Unis», a-t-il lancé en entrevue téléphonique avec La Presse Canadienne.

Les impressions de M. Lasn d'une certaine lassitude ont émergé de ses visites au campement Occupons de Vancouver, qui a été démantelé par les autorités municipales cette semaine, à l'instar des autres campements de Montréal, Québec, Toronto et Edmonton.

La jeunesse engagée et politisée du Canada que M. Lasn, originaire de l'Estonie, qualifie de «nouvelle gauche», a été entachée par une présence plus marquée de certains individus radicaux ayant contribué à donner une mauvaise réputation au mouvement gauchiste dans le passé, selon lui.

«J'ai eu l'impression qu'il y avait un peu de trop de gauchistes cinglés. Je pense que nous aurions eu besoin de plus de jeunes de la nouvelle mouvance de gauche, plus audacieuse, à l'image de ce qui se passait au parc Zuccotti (l'espace public occupé par les manifestants près de Wall Street). Je n'ai rien vu de tel à Vancouver», a-t-il déploré.

M. Lasn juge que les défauts du mouvement canadien d'Occupons sont largement imputables à la couverture faite par les médias, les accusant d'avoir dépeint les protestataires comme des rebelles sans foi ni loi et leur campement, comme des repères d'inégalité.

En misant sur les incidents liés à des consommations de drogue et de crime, qui ont été rapportés quotidiennement, les médias canadiens ont échoué à transmettre le véritable message du mouvement Occupons, a défendu M. Lasn.