Il a suffi de trois petites heures et d'une intervention policière tout en douceur, pour mettre fin hier matin à 42 jours d'occupation du square Victoria.

>>> L'opération policière en photos

Une centaine d'indignés, certains la larme à l'oeil, la plupart en entonnant des chansons de circonstance, ont finalement évacué vers midi le parc dans lequel ils campaient pour dénoncer les injustices du capitalisme. «Certains étaient bien naïfs de croire le maire Tremblay, a laissé tomber une manifestante en pliant sa grande tente. C'était évident qu'ils allaient finir par envoyer la police.»

Bilan des opérations: 15 manifestants interpellés pour avoir refusé d'évacuer les lieux, puis libérés sans qu'aucune accusation ne soit portée contre eux. Le Service de police de la Ville de Montréal s'est félicité du succès de l'évacuation.

Les policiers satisfaits

«Nous sommes extrêmement satisfaits. Face à ce type de situation, il y a des enjeux importants à considérer. Pour nous, l'important, c'est la sécurité des gens», dit le responsable des opérations du SPVM Pierre Brochet. Il n'y a eu aucune saisie de drogue.

Le maire Gérald Tremblay s'est dit tout aussi «satisfait» du déroulement des opérations et a salué une dernière fois «l'esprit de collaboration» de la plupart des occupants, qui ont quitté volontairement les lieux. La Confédération des syndicats nationaux (CSN) et la Ligue des droits et libertés ont par contre dénoncé l'expulsion des indignés, qui «porte atteinte à la liberté d'expression, au droit d'association et de manifestation pacifique», selon ce dernier organisme.

Un des indignés, Michaël Blanchette, a noté avec humour qu'il s'agissait de sa deuxième expulsion de la semaine. «J'étais aussi à Québec [dont le campement a été démantelé mardi], dit le jeune homme originaire de Rimouski. Disons que les policiers de Montréal ont été beaucoup plus cool. Ils font leur job; dommage qu'ils ne remettent pas en question les ordres.»

Il constate l'amertume de ses camarades, mais se veut optimiste. «Les indignés, c'est plus qu'un campement. C'est un mouvement international qui va prendre de l'ampleur». La grande assemblée prévue ce midi square Victoria aura tout de même lieu, assurent les organisateurs d'Occupons Montréal.

Petit noyau de résistance

Lancée à 8 h 45, l'impressionnante opération qui a mobilisé quelque 300 policiers s'est conclue vers midi avec le départ du dernier indigné - il s'était attaché à la structure métallique d'un abri servant de cuisine.

Les cols bleus de Montréal sont entrés en action peu après et ont débarrassé le square Victoria des meubles, tentes et déchets divers. Les biens ont été entassés dans un conteneur et pourront être récupérés seulement mardi en appelant le service 3-1-1, précise le SPVM.

D'entrée de jeu, une trentaine de policiers ont d'abord indiqué verbalement aux indignés qu'ils éviteraient les constats d'infraction en quittant immédiatement les lieux. L'écrasante majorité a accepté de plier bagage, la plupart dans l'amertume. Certains ont annoncé qu'ils refusaient l'ordre, comme une jeune fille qui s'est présentée comme «Gavroche». «Il va falloir qu'ils nous délogent», a-t-elle précisé. Au coeur du square, une dizaine d'indignés, émus aux larmes, se tenaient par la taille en chantonnant doucement Can't Buy Me Love ou Get Up Stand Up, deux succès ici.

Patients, les policiers ont dressé un périmètre à une dizaine de mètres du square et empêché systématiquement curieux, indignés et journalistes d'y retourner.

Jeu du chat et de la souris

À 10h30, un porte-parole de la police a officiellement ordonné, par porte-voix, aux récalcitrants de quitter le parc. Une dizaine d'entre eux se sont enchaînés à la structure métallique de la tente principale -il n'en restait qu'une demi-douzaine encore debout. Une trentaine de véhicules du SPVM ont alors été demandés en renfort.

Les indignés expulsés ont cependant continué à jouer au chat et à la souris autour du square avec les policiers. Ils ont notamment remonté une tente de fortune sur le trottoir en face au parc, installé un grand drap blanc sur la chaussée et multiplié les quolibets en direction des policiers. Vers 11h, la dizaine de jeunes qui s'étaient enchaînés ont accepté de défaire leurs liens. À midi, les policiers ont évacué les alentours, ne laissant qu'une vingtaine de résistants sur le trottoir en face au parc. Ceux-ci ont paisiblement quitté les lieux quelques minutes plus tard.

-Avec la collaboration d'Anabelle Nicoud

 

Photo: Patrick Sanfaçon, La Presse

Huit personnes qui refusaient de quitter le parc ont été arrêtées par les policiers.