Samedi matin, centre-ville de Montréal. Le mercure affiche 5 °C. Alors que les «indignés» de New York reçoivent leur première bordée de neige, leurs confrères montréalais se préparent à affronter l'hiver.

Au milieu du campement qui regroupe près de 200 tentes, Benoît et Jeanne érigent un tipi. Avec des palettes de bois récupérées chez des entreprises, ils ont construit une plateforme servant de base à leur future habitation. «Le froid passe par le sol. On peut soit faire un plancher, soit creuser le sol de 10 pieds, ce qui n'est pas vraiment une option», explique Benoît, un employé en informatique qui dort au Square Victoria depuis une dizaine de jours. Ses collègues et son employeur ignorent tout de sa double vie. «J'arrive à bien concilier les deux», assure-t-il. Tellement bien qu'il songe à passer l'hiver parmi les «indignés» d'Occupons Montréal. Et il n'est pas le seul. Quelques campeurs urbains ont déjà commencé à isoler leur tente pour l'hiver. D'autres y songent sérieusement.

«Le froid, ça va. Le pire, c'est l'humidité», remarque Arnaud St-Martin-Bélanger, un étudiant au cégep de Rosemont qui vient d'acheter quelques planches pour mieux isoler sa tente. Yann Gunville et Alexandre Ducharme construisent pour leur part un genre de maison longue. L'un travailleur, l'autre étudiant, tous deux sont déterminés à demeurer sur le site malgré l'approche de l'hiver. «C'est inévitable que ça [l'occupation] va mener à quelque chose, dit Alexandre Ducharme, étudiant en enseignement à l'Université de Montréal. Je recommence l'école lundi [après une semaine de lecture], mais je ne veux pas partir. J'irai à la bibliothèque faire mes travaux. Certaines personnes ont aussi lancé l'idée d'aménager une salle communautaire ici.»

Un esprit de communauté semble s'être installé chez les «indignés» qui ont investi le Square Victoria le 15 octobre dernier. Yann Gunville, qui a perdu son emploi en 2008 dans la foulée de la crise économique et qui vit maintenant de contrat, remarque que les manifestants ne cherchent pas à améliorer leur situation personnelle, mais plutôt le bien-être collectif. «Ce n'est pas une démarche individualiste, fait-il valoir. Nous sommes là pour changer le fonctionnement du système.»

Le projet d'expansion en veilleuse

Après le refus de la Ville de Montréal de permettre au mouvement de s'étendre à la place Jean-Paul-Riopelle, Occupons Montréal a mis en veilleuse son projet d'expansion. «Avec l'arrivée de l'hiver, il risque d'avoir des gens qui vont retourner à la maison, prédit Félix St-Laurent, l'un des porte-parole du mouvement. Des étudiants vont retourner aux études. Ça va devenir peut-être un peu plus petit. L'idée est de garder le mouvement à la même place. C'est plus facile de gérer la patente.»