Plus de 50 personnes ont été tuées lundi au Caire lors d'une manifestation pro-Morsi, les Frères musulmans appelant au «soulèvement» à la suite de ce «massacre», tandis que les nouvelles autorités promettaient la tenue de législatives au plus tard début 2014.

Ces nouvelles violences aggravent le climat d'extrême tension qui prévaut en Egypte depuis la destitution par l'armée du président islamiste à l'issue de manifestations monstres réclamant son départ.

Washington a condamné l'appel à la violence de la puissante confrérie et demandé aux militaires le «maximum de retenue», affirmant néanmoins ne pas envisager de couper son aide financière à l'armée, alors que Barack Obama avait fait peser cette menace.

Le président par intérim, Adly Mansour, a décrété dans la nuit que l'organisation des élections législatives serait lancée avant la fin de l'année, relançant la transition politique, un temps bloquée par de difficiles tractations qui se poursuivent sur la nomination d'un Premier ministre faisant consensus.

La déclaration constitutionnelle, diffusée par l'agence officielle Mena, prévoit le lancement de l'organisation des législatives avant fin 2013 et sa fin avant début février. Une présidentielle sera ensuite annoncée. Avant cela, une nouvelle Constitution sera soumise à référendum.

M. Mansour avait auparavant ordonné l'ouverture d'une enquête sur les violences qui ont fait tôt lundi au moins 51 morts et 435 blessés, d'après les urgences, qui n'ont pas précisé s'il s'agissait exclusivement de manifestants islamistes.

Les Frères musulmans ont diffusé une liste comportant les noms de 42 de leurs partisans tués, tandis que la police et l'armée ont fait état de trois morts dans leurs rangs.

Un photographe de l'AFP a vu une vingtaine de corps alignés sur le sol dans la morgue de fortune d'un hôpital proche.

L'armée a appelé les partisans de M. Morsi à lever leurs sit-in, en assurant qu'elle ne tolèrerait aucune «menace à la sécurité nationale».

La plus haute autorité de l'islam sunnite du pays, l'imam d'al-Azhar cheikh Ahmed al-Tayyeb, qui avait cautionné le renversement de M. Morsi par l'armée, a annoncé pour sa part qu'il se plaçait en retrait tant que les violences continueraient.

Il a demandé à toutes les parties à «prendre leurs responsabilités» pour éviter au pays de «glisser vers la guerre civile».

A l'aube, une foule de partisans de M. Morsi priait devant le siège de la Garde républicaine quand «des soldats» et «des policiers» ont ouvert le feu, selon les Frères musulmans.

Des manifestants ont fait état de tirs à balles réelles et de grenades lacrymogènes, dans des circonstances qui restent confuses. D'autres témoins ont raconté que les forces de l'ordre avaient tiré en l'air et que les tirs directs venaient «d'hommes de main» en civil.

L'armée, citée par le journal gouvernemental Al-Ahram, a expliqué de son côté que des «terroristes armés» avaient attaqué le siège de la Garde républicaine, tuant un officier et laissant six conscrits dans un état critique.

«Massacre»

Depuis sa destitution et l'arrestation de M. Morsi mercredi par l'armée, la tension ne cesse de monter entre ses partisans et ses opposants et des heurts ont fait une centaine de morts.

Le parti de la liberté et de la justice (PLJ), bras politique des Frères musulmans dont est issu M. Morsi, a appelé au «soulèvement (...) contre ceux qui sont en train d'essayer de (...) voler la révolution avec des chars», et mis en garde contre «l'apparition d'une nouvelle Syrie».

Quelques heures après cette déclaration, les autorités ont décidé de fermer le siège du PLJ au Caire en raison de la découverte «de liquides inflammables, de couteaux et d'armes», a annoncé à l'AFP un haut responsable de sécurité.

En soirée, les islamistes ont manifesté dans plusieurs villes du pays, selon l'agence officielle Mena.

Dénonçant, comme les Frères musulmans, un «massacre», le principal parti salafiste, al-Nour, qui a soutenu au sein d'une coalition majoritairement laïque le coup d'État militaire, a annoncé son retrait des discussions sur le choix d'un gouvernement de transition.

Le prix Nobel de la paix Mohamed ElBaradei, un temps pressenti pour prendre la tête de ce gouvernement, a condamné «avec fermeté» les violences de l'aube et réclamé une enquête indépendante.

La nomination de M. ElBaradei s'était heurtée à l'opposition d'al-Nour, qui avait également émis des réserves sur le choix d'un économiste de centre-gauche, Ziad Bahaa Eldin, estimant que ces hommes n'étaient pas assez consensuels.

L'Union européenne a appelé toutes les parties à «éviter les provocations», pressant les nouvelles autorités à «avancer rapidement vers la réconciliation"

De son côté, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a «condamné» les violences et demandé une enquête impartiale.

La Turquie, l'Iran, le Qatar et le mouvement islamiste palestinien Hamas ont également condamné les violences, l'Allemagne exprimant sa «grande inquiétude».

Human Rights Watch (HRW) a pour sa part réclamé la fin des «actions arbitraires» contre les Frères musulmans et les médias qui leur sont proches.

Dimanche soir, des centaines de milliers de personnes s'étaient rassemblés à travers l'Egypte dans le but de montrer que le renversement de M. Morsi était le fruit d'une volonté populaire.

Les partisans de M. Morsi s'étaient quant à eux rassemblés par milliers pour réclamer le retour du premier président démocratiquement élu du pays.

PHOTO ASMAA WAGUIH, REUTERS

Des partisans des Frères musulmans font face aux soldats égyptiens, à proximité des locaux de La Garde républicaine, au Caire, le 8 juillet.