Dimanche marquera le premier anniversaire de l'arrivée au pouvoir de Mohamed Morsi. Pour «souligner» l'occasion, un mouvement d'opposition invite des millions d'Égyptiens à manifester pour demander le départ du président islamiste. Les enjeux en quatre questions et réponses.

Q Qui se cache derrière l'appel à manifester ?

R Un mouvement baptisé «Tamarud», ce qui signifie «rebelle» ou «tumulte», né en avril. «Le groupe a été mis sur pied par des jeunes qui ont été au coeur de la révolution de 2011», a dit à La Presse hier une des porte-parole du mouvement, Eslam Elhdary, jointe par téléphone. «Nous voulons que Morsi donne sa démission. Depuis qu'il est au pouvoir, il n'a pas respecté l'esprit de la révolution et beaucoup de gens ont été tués (lors de manifestations). De plus, il donne tout le pouvoir aux Frères musulmans. Nous ne voulons pas de quelqu'un qui divise ainsi le pays». Ce groupe dit avoir amassé 20 millions de signatures d'électeurs égyptiens pour le départ du président. Tamarud demande aux signataires de protester en grand nombre à partir d'aujourd'hui et jusqu'à dimanche, et ce, dans le but de mettre en marche une «seconde révolution». Tamarud, qui reçoit le soutien de ténors de l'opposition, compte présenter sa pétition à la Cour constitutionnelle pour inciter les juges à démettre M. Morsi de ses fonctions.

Q La loi égyptienne permet-elle une destitution du président ?

R «Non, du point de vue juridique, il n'est pas possible de destituer le président. La seule chose qui permettrait son départ serait une nouvelle élection [NDLR: les prochaines élections doivent avoir lieu dans trois ans] ou un coup militaire», explique Rex Brynen, professeur de sciences politiques à l'Université McGill et spécialiste du Moyen-Orient. Selon lui, il est bien peu probable que l'armée décide de renverser Morsi, qui a été élu lors d'élections jugées libres. «Personne ne fait la file en ce moment pour diriger l'Égypte», estime l'expert. Au cours des derniers jours, alors que la tension monte en Égypte - en plus de la campagne de Tamarud, le pays fait face à une pénurie d'essence -, l'armée a été déployée dans les rues des grandes villes. Le commandant de l'armée Abdul Fatah Al-Sissi dit que ses hommes interviendront pour empêcher le pays de plonger dans «un conflit incontrôlable».

Q Comment le président Morsi réagit-il à la campagne dirigée contre lui ?

R Mercredi soir, le président a prononcé un discours à la nation de deux heures et demie au cours duquel, d'une part, il a admis avoir «fait des erreurs» pendant sa première année au pouvoir, mais où, d'autre part, il a accusé plusieurs politiciens et journalistes d'avoir tout fait pour «saboter la démocratie». Son discours a été reçu dans la colère, place Tahrir. Par ailleurs, en réponse à la campagne de Tamarud, les Frères musulmans ont mis sur pied un autre groupe, «Tagarud» ou «impartialité». Les partisans de Tagarud sont eux aussi invités à manifester ce week-end, cette fois en soutien au président Morsi. En novembre dernier, des manifestations concurrentes entre anti et pro-Morsi ont fait des dizaines de morts et des centaines de blessés, au Caire et à Alexandrie. Plusieurs craignent le même genre de confrontation pendant la fin de semaine. Selon plusieurs médias, beaucoup d'Égyptiens ont fait des provisions afin d'éviter de sortir pendant les troubles.

Q Comment peut-on évaluer la performance de Mohamed Morsi après un an au pouvoir ?

R «Il y a des choses dont on ne peut pas tenir Morsi responsable. Il a hérité d'une économie en déroute et souvent, son opposition n'est pas très raisonnable, note Rex Brynen. De manière générale, cependant, sa première année est un désastre. Il n'est pas capable de tendre la main à son opposition. Il a fait tous les faux pas qu'il pouvait faire», juge l'expert, rappelant le référendum contesté sur la constitution et les tentatives de Morsi de se mettre au-dessus de la loi. Rex Brynen croit que l'Égypte avait besoin d'un Nelson Mandela, capable de mettre de côté la partisanerie pour réconcilier le pays après la révolution. «Morsi est loin d'être un Mandela. C'est plutôt un politicien en bas de la moyenne», conclut-il.

- Avec Al-Ahram, la BBC, le New York Times et le Christian Science Monitor.