Les Égyptiens s'apprêtent à voter samedi pour la première partie d'un référendum sur un projet de Constitution qui met le pays sous tension et a provoqué vendredi des heurts qui ont fait quinze blessés à Alexandrie (nord).

Le référendum doit se tenir samedi dans dix gouvernorats, dont Le Caire et Alexandrie, les deux plus grandes villes du pays, et la région instable du Sinaï (est). Les 17 autres gouvernorats voteront le 22 décembre.

Les bureaux de vote doivent ouvrir de 08h00 locales (06h00 GMT) à 19h00 (17h00 GMT).

Vendredi, des groupes des deux camps ont échangé des jets de pierres à Alexandrie, où des voitures ont été brûlées, après l'appel d'un religieux à voter «oui» lors de prière hebdomadaire. La police est intervenue avec des tirs de grenades lacrymogènes dans la soirée pour rétablir le calme, selon des témoins.

Les services médicaux ont évoqué un bilan de 15 personnes blessés dans les accrochages.

Au Caire, 2000 partisans du président Mohamed Morsi se sont rassemblés devant une mosquée de l'est de la capitale à l'appel de partis islamistes pour soutenir le projet de loi fondamentale.

L'opposition, qui appelle à voter «non», n'a réuni que quelques centaines de personnes dans le calme en fin de journée aux abords du palais présidentiel, gardé par l'armée dans la banlieue du Caire. Des centaines d'opposants étaient également rassemblés sur la place Tahrir, dans le centre de la ville.

Des deux côtés, la mobilisation était nettement moindre que lors des nombreuses autres manifestations qui se sont succédé depuis fin novembre et ont dégénéré à plusieurs reprises en affrontements entre les deux camps qui ont fait huit morts il y a une semaine devant la présidence.

Lors d'une conférence de presse du Front du salut national (FSN), principale coalition de l'opposition, le libéral Amr Hamzawi s'est dit «confiant que le peuple égyptien dira non à la Constitution des Frères musulmans», mouvement islamiste dont est issu M. Morsi.

«Nous devons voter ''oui'' pour que le pays se stabilise, pour avancer et laisser l'ère de (transition de l'après-Hosni Moubarak) derrière nous», a en revanche expliqué Moustafa Abdullah, 33 ans, membre du Parti Justice et Liberté, le bras politique des Frères.

Quelque 120 000 soldats ont été appelés en renfort pour aider les 130000 policiers à assurer la protection des opérations de vote samedi.

Boycott de magistrats

La division du pays en deux zones de vote successives a été décidée in extremis, manifestement pour faire face au refus de nombreux magistrats de superviser le scrutin.

Le projet de Constitution vise à doter le pays d'un cadre institutionnel stable, censé selon ses partisans refléter les changements intervenus dans le pays depuis la chute de Hosni Moubarak début 2011.

L'opposition laïque, de gauche et libérale dénonce en revanche un texte adopté en toute hâte par une commission dominée par les islamistes, qui ouvre la voie selon elle à des interprétations rigoristes de l'islam et manque de garanties pour les libertés.

Ce référendum est également vu comme une forme de vote de confiance pour ou contre M. Morsi, élu à une courte majorité de 51,7% des voix en juin.

Le président islamiste peut compter sur la capacité de mobilisation du puissant mouvement des Frères musulmans, mais il fait face à une profonde crise économique qui provoque le mécontentement populaire.

Quelle que soit l'issue, ce référendum «va exacerber les tensions politiques et les ressentiments» entre un président qui a fait le choix de maintenir un texte controversé et une opposition dopée par la vague de contestation, estime Hani Sabra, un expert du centre d'analyse économique américain Eurasia Group.

La patriarche de la communauté copte (chrétiens d'Égypte, 6 à 10% de la population), Tawadros II, a «appelé les Égyptiens à participer» au vote, sans exprimer ouvertement de préférence pour le «oui» ou le «non».

L'Église copte avait retiré ses représentants de la commission chargée de rédiger la Constitution, pour protester contre certaines dispositions relatives à la loi islamique.

Le scrutin concerne au total 51,3 millions d'électeurs inscrits, sur une population totale de 83 millions qui fait de l'Égypte le pays le plus peuplé du monde arabe. Les Égyptiens résidant à l'étranger ont commencé à voter mercredi pour quatre jours dans les missions diplomatiques.