Le président égyptien Mohamed Morsi s'est montré ferme sur ses prérogatives et le projet de Constitution qui divisent le pays, tout en invitant l'opposition au dialogue, dans un discours à la nation jeudi soir, après des affrontements meurtriers entre ses partisans et ses détracteurs.

Peu après l'intervention du président islamiste, de violents combats ont éclaté près du siège des Frères musulmans au Caire entre des manifestants et les forces de l'ordre qui ont fait usage de gaz lacrymogènes, selon un journaliste de l'AFP sur place.

Auparavant, certains manifestants avaient pu pénétrer par l'arrière du bâtiment et y mettre le feu, selon un porte-parole de la confrérie dont M. Morsi est issu, mais un responsable de la sécurité a assuré que l'incendie était limité et que la police avait repoussé les manifestants.

Dans la journée, l'armée a déployé des chars et établi un périmètre de sécurité autour du siège de la présidence, où l'opposition dénonçait le renforcement des pouvoirs de M. Morsi et un projet de Constitution n'apportant selon elle pas assez de garanties en matière de respect des droits.

Les partisans du président sont partis, mais plusieurs milliers de militants de l'opposition se sont rassemblés à environ 300 mètres du palais, scandant «le peuple veut la chute du régime», le slogan de la révolte contre Hosni Moubarak l'an dernier.

Dans la nuit de mercredi à jeudi, les affrontements près du palais présidentiel avaient fait sept morts et des centaines de blessés, selon les autorités.

Des opposants au président ont également incendié jeudi des locaux des Frères musulmans à Ismaïliya et à Suez (nord-est).

«J'appelle tous les partis politiques à un dialogue le samedi 8 décembre au palais présidentiel», a déclaré M. Morsi dans un discours en direct, précisant que les discussions devraient porter sur l'élaboration d'une loi électorale et sur une feuille de route à suivre après le référendum.

Dans un discours au ton offensif, M. Morsi a cependant assuré que ce référendum sur le projet de Loi fondamentale se tiendrait comme prévu le 15 décembre et qu'après le scrutin, le peuple devrait «suivre sa volonté».

«Nous respectons la liberté d'expression pacifique, mais nous ne laisserons jamais personne participer à des meurtres et à des actes de sabotage», a-t-il ajouté, alors que le pays traverse la crise politique la plus profonde depuis son élection en juin.

Appel d'Obama à Morsi

Dénonçant une dérive dictatoriale, l'opposition réclame le retrait d'un décret du 22 novembre dans lequel le président a considérablement élargi ses pouvoirs, ainsi que l'abandon du référendum sur un projet de Constitution accusé d'offrir peu de garanties pour les libertés d'expression et de religion.

Jeudi soir, M. Morsi s'est dit prêt à renoncer à l'article 6 du décret, qui permet au président de «prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger le pays et les objectifs de la révolution». Il n'a cependant rien dit sur l'article mettant ses décisions à l'abri de tout recours en justice.

Pour sortir de la crise, l'institution égyptienne d'Al-Azhar, la plus haute autorité de l'islam sunnite, a demandé au président de suspendre le décret du 22 novembre. À l'étranger, l'Europe et les États-Unis ont appelé à la retenue et au dialogue.

Barack Obama a téléphoné au président Morsi pour lui faire part de sa «profonde inquiétude» à propos des morts et des blessés lors des manifestations.

Le président américain a aussi encouragé l'appel au dialogue lancé par Mohamed Morsi, mais a ajouté que la réunion prévue samedi «devait se tenir sans condition préalable» et que les dirigeants des partis d'opposition devaient y participer.

Mohamed ElBaradei, chef de la coalition de l'opposition, a fait porter mercredi à M. Morsi «l'entière responsabilité» des violences, assurant que le régime perdait «de sa légitimité jour après jour».

M. Morsi a annoncé que plus de 80 «saboteurs», dont certains liés à des partis politiques ou à l'ère Moubarak, avaient été arrêtés dans le cadre des violences dans la nuit de mercredi à jeudi.

Jeudi, les manifestants anti-Morsi sont restés mobilisés. «Nous voulons un État civil, ni militaire, ni religieux», proclamait une banderole près du palais présidentiel. «Nous ne laisserons pas faire, nous ne voulons pas devenir l'Iran», affirmait une manifestante, Sahar Ali, 39 ans.

Dans ce contexte, la Bourse du Caire a encore perdu du terrain, son indice de référence EGX-30 cédant 4,6% jeudi à la clôture.