Une centaine de personnes ont été blessées vendredi dans des heurts entre partisans et adversaires du président Mohamed Morsi qui manifestaient séparément place Tahrir au Caire, sur fond de bras de fer entre l'exécutif et la justice.

Les manifestants des deux camps se sont jeté des pierres et des cocktails molotov, faisant au moins 110 blessés, selon le ministère de la Santé, dans les premières violences de cette ampleur depuis l'élection du président Morsi en juin.

À l'appel des Frères musulmans dont est issu M. Morsi, des centaines de personnes ont manifesté contre l'acquittement mercredi de figures de l'ancien régime, accusées d'avoir envoyé des hommes de main à dos de chameau pour attaquer les manifestants place Tahrir pendant la révolte qui a provoqué la chute de Hosni Moubarak, début 2011.

Une autre manifestation avait été convoquée par des militants laïques pour réclamer la formation d'une nouvelle commission constituante plus représentative, alors que la Haute cour administrative doit se prononcer mardi sur la légalité de la commission actuelle dominée par les islamistes.

Les heurts ont commencé quand des partisans des Frères musulmans ont détruit le podium d'un groupe qui scandait des slogans anti-Morsi, selon un journaliste de l'AFP.

Des manifestants ont mis le feu à deux bus qui avaient été utilisés pour conduire des partisans des Frères musulmans sur la place, selon des témoins.

«À bas le règne du Guide suprême», scandaient des manifestants anti-Morsi, faisant référence au numéro 1 de la confrérie islamiste Mohammed Badie.

Selon un correspondant de l'AFP, les heurts ont diminué d'intensité après que les partisans du camp islamiste se sont retirés de Tahrir en soirée. Selon la télévision publique, ils se sont rassemblés devant les bureaux du procureur général à proximité.

Les Frères musulmans ont démenti sur Twitter toute implication de leurs membres dans les heurts: «Nous ne sommes pas impliqués dans les heurts à Tahrir, et aucun de nos membres n'est sur place», écrit la confrérie.

Entre-temps, le président Morsi a promis que les anciens responsables de l'ère Moubarak acquittés mercredi seraient de nouveau jugés.

«Nous ne pouvons ignorer ceux qui ont commis des crimes contre la nation», a-t-il dit dans une mosquée d'Alexandrie (nord), selon l'agence officielle Mena. «Ils auront affaire à la justice et au système judiciaire», a-t-il ajouté.

«Menaces» contre le procureur

Le président fait face cependant à la colère des juges après qu'il eut démis de ses fonctions jeudi le procureur général Abdel Meguid Mahmoud, le nommant ambassadeur d'Égypte au Vatican.

M. Mahmoud était accusé par plusieurs militants de la révolte de 2011 de continuer de soutenir le régime Moubarak et d'avoir été à l'origine de l'insuffisance des preuves présentées par le parquet dans les procès de responsables accusés d'implication dans la mort de manifestants.

Mais le procureur général a déclaré jeudi qu'il restait à son poste, affirmant que «selon la loi, un membre du corps judiciaire ne peut pas être démis par le pouvoir exécutif».

Dans un communiqué, il a indiqué que de hauts responsables, dont le ministre de la Justice Ahmed Mekki, l'avaient averti qu'il pourrait être attaqué par des manifestants s'il n'acceptait pas son limogeage.

Cette décision est un nouvel épisode dans l'épreuve de force entre les juges nommés sous Moubarak, et M. Morsi, qui a tenté en vain de rétablir le Parlement dominé par les islamistes mais dissous à la suite d'une décision de justice.

D'influents juges ont apporté leur soutien au procureur général, ont rapporté vendredi les médias officiels.

L'institution judiciaire s'est rangée aux côtés de M. Mahmoud au nom de «la souveraineté de la Loi et du principe de séparation des pouvoirs», a expliqué Ahmed al-Zind, à la tête du Club des juges, selon le quotidien Al-Ahram. Il a indiqué que les juges devaient tenir une réunion d'urgence pour «faire face à la crise actuelle destinée à nuire au pouvoir judiciaire».

Le Club des juges s'était vivement opposé à l'élection en juin de M. Morsi, qui avait appelé à rejuger M. Moubarak et les responsables de son régime pour la mort de près de 850 personnes lors du soulèvement de janvier-février 2011.