L'islamiste Mohamed Morsi, vainqueur de la première présidentielle en Égypte depuis la chute de Hosni Moubarak, a commencé lundi à s'atteler à la formation d'un gouvernement en attendant la remise du pouvoir exécutif d'ici la fin de la semaine par l'armée qui dirige le pays.

M. Morsi a obtenu 51,73% des voix contre 48,27% à son rival Ahmad Chafiq, ancien Premier ministre de M. Moubarak, chassé sous la pression d'une révolte populaire en février 2011, selon les résultats officiels proclamés dimanche.

Issu de la puissante confrérie des Frères musulmans, longtemps interdite, M. Morsi est le premier islamiste à accéder à la magistrature suprême en Égypte et sera le premier président à ne pas sortir des rangs de l'armée.

M. Morsi, qui fut détenu sous M. Moubarak, s'est rendu au palais présidentiel et a commencé des entretiens en vue de la formation du prochain gouvernement, sans attendre la cérémonie d'investiture, a indiqué une de ses porte-parole, Nermine Mohammed Hassan.

«Il a déjà commencé d'examiner une liste de noms. Il annoncera le nouveau gouvernement prochainement», a-t-elle déclaré.

«Le président élu Mohamed Morsi commence à former son équipe présidentielle», a également rapporté lundi l'agence officielle Mena.

Une source militaire a indiqué à l'AFP que la passation de pouvoir entre le Conseil suprême des forces armées (CSFA), à qui M. Moubarak a remis les rênes du pays en démissionnant, et M. Morsi, devait se tenir comme prévu d'ici la fin juin, sans plus de précisions.

Le gouvernement de Kamal al-Ganzouri, investi en novembre, a présenté sa démission et va expédier les affaires courantes.

Âgé de 60 ans, Mohamed Morsi, ingénieur diplômé d'une université américaine, est fort d'une légitimité acquise dans une élection où les Égyptiens ont pu pour la première fois choisir leur président librement.

Le nouveau chef de l'État disposera toutefois d'une marge de manoeuvre très réduite face au Conseil militaire, qui conserve le pouvoir législatif après la dissolution mi-juin de l'Assemblée nationale, contrôlée par les islamistes.

La Bourse du Caire a quant à elle clôturé lundi sur une hausse de 7,5%, le principal indice, l'EGX-30, a bondi de 7,59% à 4.482,48 points. Il s'agit de la plus forte hausse enregistrée par la place boursière depuis plus d'un an.

«Un climat d'optimisme a régné sur le marché sur fond d'espoirs d'un retour de la stabilité politique et économique après l'annonce d'un nouveau président hier», a expliqué Walid Abdine, un analyste financier.

La presse locale de son côté a salué la victoire du «premier président civil» d'Égypte, certains journaux se félicitant qu'avec lui la «révolution» de l'an dernier l'ait emporté sur les «restes» de l'ancien régime.

«La révolution arrive au palais présidentiel», titrait Al-Chourouq (indépendant).

Pendant sa campagne, M. Morsi s'est présenté comme le candidat de la «révolution», ce qu'ont dénoncé de nombreux militants pro-démocratie qui accusent les Frères musulmans d'avoir conclu «des marchés» avec l'armée au pouvoir. Certains avaient toutefois appelé à voter pour lui afin d'éviter un retour de l'ancien régime avec M. Chafiq, un militaire de formation longtemps ministre sous Hosni Moubarak.

Al-Chourouq a appelé M. Morsi de choisir un premier ministre et des vice-présidents qui ne fassent pas partie de la confrérie islamiste, de veiller à l'équilibre entre les forces politiques dans la commission chargée de rédiger la Constitution et «d'ouvrir les bras» à la minorité chrétienne.

Dans son premier discours à la nation en tant que président élu, M. Morsi a promis dimanche d'être le président de «tous les Égyptiens», en appelant à  «l'unité nationale, le seul moyen de sortir de ces temps difficiles».

Il a aussi promis de respecter les traités internationaux signés par son pays.

Dans un entretien publié par l'agence iranienne Fars, il affirme toutefois qu'il souhaite «réviser» les accords de paix de 1979 avec Israël, et renforcer les relations entre l'Égypte et l'Iran, rompues depuis 30 ans.

«Mais tout cela sera fait par les organes gouvernementaux et le cabinet, car je ne prendrai aucune décision seul», a-t-il précisé dans cet entretien réalisé peu avant la proclamation officielle des résultats.

L'annonce de sa victoire a été accueillie par une explosion de joie place Tahrir, symbole de la révolte contre Hosni Moubarak, où des centaines de milliers de personnes s'étaient rassemblées.

Le président américain Barack Obama a appelé M. Morsi pour l'assurer du soutien des États-Unis pour la transition de l'Égypte vers la démocratie, en jugeant «essentiel que le nouveau gouvernement continue à faire de l'Égypte un pilier de la paix, de la sécurité et de la stabilité dans la région».