Les Égyptiens ont repris jeudi le chemin des urnes pour élire un successeur au président déchu Hosni Moubarak, au deuxième jour d'un scrutin historique qui se joue entre des islamistes et des figures de l'ancien régime ayant axé leur campagne sur la «stabilité».

Comme la veille, des électeurs ont commencé à faire la queue devant les bureaux de vote avant l'ouverture à 8 h locales (2 h, heure de Montréal) dans une ambiance bon enfant. Les résultats du premier tour, qui s'achève jeudi soir, doivent être annoncés en principe le 27 mai.

Si aucun candidat ne remporte la majorité absolue, un second tour est prévu les 16 et 17 juin.

La participation devrait être en hausse par rapport à mercredi, les autorités ayant donné leur journée aux fonctionnaires pour qu'ils puissent voter.

Dans une école transformée en bureau de vote à Héliopolis, dans la banlieue du Caire, plusieurs centaines de personnes attendaient patiemment pour déposer leur bulletin dans l'urne.

«Je suis venue voter la nuit dernière, mais il y avait trop de monde, alors je suis revenue», dit Dina al-Badri, 26 ans.

Plus de 50 millions d'électeurs sont appelés à choisir entre 12 candidats: islamistes, laïcs, de gauche ou libéraux, partisans de la «révolution» ou anciens responsables du régime Moubarak.

Les principaux prétendants sont le candidat des Frères musulmans Mohammed Morsi, l'islamiste indépendant Abdel Moneim Aboul Foutouh, le dernier premier ministre de M. Moubarak, Ahmad Chafiq, l'ex-ministre des Affaires étrangères et ancien patron de la Ligue arabe Amr Moussa et le nationaliste arabe Hamdeen Sabbahi.

L'élection doit mettre fin à une période de transition tumultueuse et émaillée de violences meurtrières. L'armée au pouvoir depuis la chute de Moubarak est devenue la cible de la colère des militants pro-démocratie l'accusant d'avoir continué la politique de répression du régime.

La presse égyptienne a salué le scrutin comme «libre et historique», se réjouissant que la première journée se soit déroulée dans le calme et la «joie» malgré les incertitudes pesant sur le pays.

«Que les Égyptiens fassent la queue pour choisir un président de la République et que personne ne soit d'accord sur le nom du futur président, cela veut dire que quelque chose a changé», estime le quotidien indépendant Al-Chourouq.

Mercredi, la participation, moyenne pendant la journée, avait nettement augmenté à la tombée du jour avec la baisse de la température. La commission électorale n'a pas donné d'estimation, mais le gouvernement a affirmé dans un communiqué que les bureaux de vote avaient «connu une grande affluence».

Après des décennies de scrutins joués d'avance, c'est la première fois que les Égyptiens choisissent librement leur chef d'État.

L'issue du vote est cruciale pour l'orientation que prendra le pays le plus peuplé du monde arabe, avec quelque 82 millions d'habitants, partagé entre la tentation islamiste et celle d'une normalisation incarnée paradoxalement par des personnalités de l'ère Moubarak.

Les pouvoirs du futur président restent imprécis, la Constitution en vigueur sous M. Moubarak ayant été suspendue et la rédaction de la nouvelle étant au point mort.

Il devra faire face à une situation économique préoccupante, combinant les inégalités sociales extrêmes héritées de l'ancien régime et le fort ralentissement de l'activité, notamment dans le secteur touristique, depuis la révolte.

Le Conseil militaire au pouvoir s'est engagé à remettre le pouvoir à un nouveau président avant la fin juin.

De nombreux analystes estiment toutefois que l'armée, épine dorsale du système depuis la chute de la monarchie en 1952 et qui détient un patrimoine économique considérable, restera un acteur important de la vie politique.

Les États-Unis ont salué le début de l'élection comme «une étape très importante» dans la transition de l'Égypte vers la démocratie.