Des centaines de milliers de Palestiniens ont réservé mardi à Gaza un accueil triomphal aux prisonniers libérés par Israël en échange de Gilad Shalit, dans une liesse populaire rare dans le territoire sous contrôle du Hamas depuis quatre ans.

Le convoi de huit bus transportant 296 prisonniers est entré par le terminal de Rafah, à la frontière avec l'Égypte. Trois véhicules de la branche armée du Hamas, les Brigades Ezzedine al-Qassam, suivis d'un de la Croix-Rouge, ouvraient la marche.

Au moins 200 000 personnes étaient réunies mardi à la mi-journée dans la ville de Gaza pour les accueillir.

En Cisjordanie, un convoi de plusieurs autobus a acheminé 117 détenus à Ramallah, pour un accueil officiel par le président Mahmoud Abbas.

À leur arrivée à Rafah, les passagers des bus faisaient le V de la victoire et souriaient à la fenêtre.

Attendus par des centaines de leurs proches et de dignitaires, dont le chef du gouvernement du Hamas à Gaza, Ismaïl Haniyeh, les prisonniers ont salué la foule avant de descendre des bus, certains se prosternant à même le sol.

«C'est une joie indescriptible de voir mes enfants», s'est exclamé Raëd Abou Lebdeh, condamné à quatre peines à perpétuité, dont il a purgé 13 ans, étreignant sa fille Mariam, 13 ans, qu'il n'avait jamais vue.

«Je suis triste que les autres prisonniers ne soient pas encore sortis, mais nous les libérerons bientôt», a-t-il affirmé.

«J'ai l'impression de naître aujourd'hui, c'est la première fois que je vois mon père et que je l'embrasse», a sangloté sa fille.

«Je n'arrive pas à croire que mon mari soit rentré aujourd'hui, je suis stupéfaite. Il a passé 25 ans en prison, laissant ses enfants, et rentre pour retrouver 18 petits-enfants», a confié Souhaïr al-Ghoul, épouse d'Omar al-Ghoul, un membre d'Ezzedine al-Qassam condamné à perpétuité.

«Je suis triste pour mon fils qui est resté en prison, mais il est encore jeune et il peut supporter et le jour viendra où le Hamas le fera sortir lui aussi, très bientôt», a-t-elle ajouté, accompagné de deux autres de ses fils, armés et en uniforme d'Al-Qassam.

Les prisonniers ont embrassé les personnes venues les accueillir, au milieu d'une haie d'honneur, reçu des jets de pétales de fleurs et une décoration aux couleurs du drapeau palestinien.

Le convoi est ensuite reparti pour Gaza, pour les célébrations officielles sur la place de la Katiba, avec un discours de M. Haniyeh et de Yehia Sinwar, un dirigeant de l'aile militaire du Hamas, au nom des prisonniers.

«C'est un très beau jour pour nous de voir les prisonniers libres parce que nous pensions qu'ils mourraient dans les prisons israéliennes», a souligné Haj Saleh Hammouda, 63 ans, venu attendre les détenus sur la place, pavoisée des drapeaux de tous les mouvements, en particulier du Hamas et du Fatah, le mouvement dirigé par M. Abbas.

«Je suis venu rendre hommage aux prisonniers, en particulier ceux du Fatah», a expliqué Aymane Abdelhalim, 19 ans. «Les prisonniers du Hamas, du Fatah, etc. sont tous frères. Quand Israël les a arrêtés, il ne se souciait pas du mouvement auquel ils appartenaient».

À Ramallah, le président palestinien a rendu hommage aux «sacrifices et aux efforts» des prisonniers».

«Par la grâce de Dieu, nous verrons tous les prisonniers, hommes et femmes, rentrer dans leur patrie», a assuré M. Abbas dans un discours.

Un des détenus libérés en Cisjordanie, Tawfiq Abdallah, 52 ans, qui a purgé 26 ans de sa peine de perpétuité, a confié «ressentir un mélange de joie d'être dehors et de voir le jour et de souffrance pour les frères que j'ai laissés derrière moi».

«Je ne peux pas décrire mes sentiments, mais j'espère que toutes les mères de prisonniers seront heureuses», a confié Nayef Nidal, libéré après 17 ans d'incarcération, en tombant dans les bras de ses proches.

À Jérusalem-Est annexée, les familles de détenus se sont retrouvées après des heures d'attente près du mont des Oliviers.

Dans les ruelles étroites de la Vieille ville, la foule a porté en triomphe un vieux prisonnier aveugle du Fatah, Alaa Bazyan, en brandissant les couleurs palestiniennes, rare spectacle à Jérusalem.

Déportations et transferts forcés?

Le Haut commissariat de l'ONU aux droits de l'homme craint que certains des prisonniers palestiniens libérés mardi par Israël n'aient pas choisi le lieu de leur libération, ce qui pourrait constituer des cas de transfert forcé ou de déportation, a indiqué un porte-parole.

«C'est avec un sentiment de grand soulagement que nous avons reçu l'annonce d'un échange de prisonniers», a déclaré à l'AFP Rupert Colville.

«Cependant, nous avons des préoccupations concernant des rapports selon lesquels des centaines de prisonniers palestiniens de Cisjordanie pourraient être libérés dans la bande de Gaza ou à l'étranger», a-t-il ajouté.

«Nous ne savons pas dans quelle mesure ils ont consenti à cela», a-t-il poursuivi.

Le porte-parole a ainsi expliqué que si les autorités israéliennes avaient dans certains cas agi sans le «consentement libre et éclairé» des détenus, alors «cela pourrait constituer un transfert forcé ou une déportation au regard de la législation internationale».

De son côté, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a indiqué avoir contribué au bon déroulement de la libération des prisonniers en tant qu'«intermédiaire neutre et impartial».

Des délégués du CICR se sont entretenus en privé avec chacun des détenus avant leur libération pour s'assurer qu'ils acceptaient d'être libérés, assure un communiqué.

Un porte-parole de l'organisation basée à Genève, Marçal Izard, a toutefois précisé à l'AFP que le CICR ne pouvait pas dire si certains détenus avaient choisi ou non le lieu de leur libération.

Le CICR a facilité le transport de détenus vers la Cisjordanie et à partir du point de passage de Kerem Shalom vers la bande de Gaza.