Les militaires canadiens ont aidé à identifier près d'un millier de cibles ennemies liées au groupe État islamique (EI) à frapper dans la région de Mossoul, en Irak, où de féroces combats font rage pour reprendre la ville aux djihadistes.

La Presse a eu accès hier au centre de commandement de la mission canadienne contre l'EI, dans une base aérienne au Koweït, à proximité de la frontière irakienne.

À l'intérieur de ce qu'on appelle «Camp Canada», tous les yeux sont tournés vers Mossoul, la plus grande ville encore détenue par les djihadistes dans la région. Une offensive des troupes irakiennes et kurdes, appuyées par la coalition internationale, a été lancée le 17 octobre pour reprendre la ville. Les forces de Bagdad ont à peine pénétré le pourtour est de la ville et elles comptent déjà 200 soldats tués et plus de 1000 blessés, selon les plus récentes estimations.

«Des gens meurent chaque jour. C'est une tâche difficile, compliquée par le nombre de civils sur place. Et Daech [acronyme utilisé par le gouvernement canadien pour désigner le groupe État islamique] va continuer d'utiliser des civils comme boucliers humains», a expliqué le brigadier général canadien Shane Brennan, en entrevue.

Le Canada a retiré ses chasseurs-bombardiers CF-18 de la région après l'élection du gouvernement libéral, mais pour appuyer l'offensive, l'Aviation royale canadienne dispose toujours d'un CP-140 Aurora, un avion de reconnaissance qui a survolé jour après jour la région de Mossoul et ses environs.

Dépôts d'armes, fabriques d'explosifs, groupements de troupes ou de véhicules djihadistes: en collaboration avec les aéronefs de reconnaissance de plusieurs autres pays, l'Aurora canadien a aidé à identifier près de 1000 cibles dans la région de Mossoul.

Les coordonnées des cibles sont ensuite utilisées par la Coalition pour des bombardements aériens, des frappes d'artillerie ou, plus rarement, des attaques de troupes terrestres. Chaque fois que les djihadistes sortent à l'extérieur, ils sont visibles du haut des airs.

«C'est LA chose que Daech n'a pas : cette capacité aérienne qui nous permet de savoir où ils sont en tout temps. S'ils veulent se mobiliser pour une attaque, on va le voir.» - Jason Major, colonel de l'aviation canadienne

L'Aurora peut rester jusqu'à quatre ou cinq heures au-dessus d'une même cible, notamment pour s'assurer que des civils n'apparaissent pas autour. L'avion peut aussi rester sur place après un bombardement pour documenter l'effet de la frappe. «Toutes les frappes que nous avons vues ont été très précises», a assuré le major Brent Vaino, qui dirige les opérations de surveillance.

Reste que de telles opérations ne sont pas infaillibles. Une récente frappe aérienne de la coalition a tué par erreur plusieurs soldats irakiens qui montaient à l'attaque de l'EI. L'événement est pris «très au sérieux» par la coalition, et une révision en profondeur du processus d'approbation des cibles est en cours.

La propagande de l'EI ainsi que des groupes indépendants comme l'ONG Airwars évoquent aussi parfois des victimes civiles collatérales des bombardements, sans qu'il soit nécessairement possible d'aller vérifier ce qu'il en est sur le terrain. Les militaires canadiens insistent toutefois sur la rigueur du long processus mis en place pour éviter les pertes chez les civils. «Lâcher la bombe est la partie la plus facile du travail», a expliqué un officier du renseignement canadien, qui ne peut être identifié en raison de la nature sensible de son travail et qui dit passer énormément de temps en amont à contre-vérifier chaque information obtenue sur les cibles.

Au sol, les combattants de l'EI ouvrent fréquemment le feu vers l'aéronef canadien, qui prend soin de rester hors d'atteinte.

L'aviation joue un rôle déterminant dans la bataille pour Mossoul, mais ce sont les troupes locales, au sol, qui accumulent les pertes face aux tireurs djihadistes embusqués sur les toits, aux attentats-suicides et aux explosifs qui peuvent être dissimulés dans chaque rue, chaque ruelle.

Le brigadier général Brennan dit être conscient des limites de la technologie lorsque le combat se livre d'aussi proche, dans une zone urbaine extrêmement dense. «C'est difficile», répète-t-il constamment.

«Et les forces de sécurité irakiennes paient un prix élevé. 

L'armée ne suit pas les djihadistes canadiens

Même si plus d'une centaine de Canadiens auraient rejoint les rangs du groupe État islamique, les militaires canadiens n'ont pas ordre de les débusquer sur le terrain. Car les forces armées ne sont pas autorisées à collecter des renseignements sur leurs concitoyens.

«Mon mandat n'est pas de me lancer aux trousses de citoyens canadiens», affirme le commandant de l'unité de renseignement canadienne basée au Koweït. D'autres agences gouvernementales s'intéressent aux mouvements de ces expatriés, mais «pas nous, pas ici», explique l'officier.

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EN CHIFFRES

• Plus de 60 : Nombre de pays engagés dans la coalition dirigée par les États-Unis

• 30 000 : Nombre de combattants irakiens, kurdes et alliés engagés dans l'offensive sur Mossoul

• 1 million : Nombre estimé de civils toujours présents à Mossoul

• 200 : Nombre approximatif de combattants irakiens tués depuis le début de l'offensive sur Mossoul

• 1000 : Nombre approximatif de combattants irakiens blessés depuis le début de l'offensive sur Mossoul

• 791: Nombre de militaires canadiens déployés au Moyen-Orient dans le cadre de la mission contre le groupe État islamique