Les Irakiens fulminaient lundi contre leur gouvernement après son échec à empêcher un attentat-suicide du groupe djihadiste État islamique (EI) qui a fait plus de 200 morts à Bagdad, le pire qu'ait connu leur pays depuis des années.

Le bilan pourrait encore s'aggraver, les secouristes continuant de rechercher des corps au milieu des décombres des échoppes et des bâtiments détruits par l'explosion dimanche d'un véhicule piégé dans une rue bondée du quartier commerçant de Karrada.

Face à la colère des Irakiens et dans une tentative de soigner leur image, les autorités ont annoncé l'exécution de cinq condamnés à mort et l'arrestation de 40 djihadistes. 

L'attentat commis par le groupe extrémiste sunnite visait à faire un maximum de morts dans le quartier majoritairement chiite, où les badauds, au moment de l'explosion, se pressaient pour faire leurs courses avant la fête marquant la fin du mois sacré du ramadan.

Depuis la chute du régime de Saddam Hussein, renversé en 2003 après l'invasion américaine, l'Irak est en proie à l'instabilité politique et sécuritaire avec des crises gouvernementales à répétition et des attentats qui continuent d'endeuiller le pays.

Après s'être rendu sur les lieux du drame dimanche, le premier ministre Haider Al-Abadi a proclamé un deuil national de trois jours et annoncé une modification des mesures de sécurité.

Face à l'incapacité des autorités à les protéger, les Irakiens continuaient d'exprimer leur colère dans les rues de Bagdad, 24 heures après l'attentat qui a fait 213 morts et plus de 200 blessés.

« Je jure par Dieu, ce gouvernement est un échec », lâche une femme se présentant comme Oum Alaa qui a perdu son appartement dans la puissante déflagration.

« Les tactiques (de l'EI) évoluent. Pourquoi le gouvernement garde-t-il la même stratégie ? », s'interroge un homme en faisant référence aux « stupides points de contrôle » des forces de sécurité ou aux détecteurs de bombes qui se sont révélés inefficaces.

Inam al-Zoubaidi est elle venue à Karrada pour présenter ses condoléances aux « familles des martyrs, tombés en raison de ce gouvernement raté ».

Compréhensif

Dans le quartier endeuillé, un homme a déposé une bougie devant un immeuble ravagé par les flammes quand d'autres erraient au milieu des pleureuses, a constaté un journaliste de l'AFP.

Aux pieds des escaliers, des hommes déblaient des monticules de cendres à la pelle ou à la main, à la recherche des disparus.

Des banderoles noires portant le nom des victimes - dont plusieurs membres de certaines familles - sont accrochées aux façades recouvertes de suie pour indiquer le lieu et la date de leurs funérailles.

En première ligne, M. Abadi. Une vidéo postée sur les réseaux sociaux a montré des hommes en colère lancer des pierres sur un convoi présenté comme celui du premier ministre, dimanche sur les lieux de l'attaque, alors qu'un autre homme a été entendu en train de l'insulter dans une autre vidéo.

M. Abadi, dont le gouvernement est déjà accusé de corruption, s'est voulu compréhensif. « Je comprends l'émotion et les actions qui se produisent dans des moments de colère et de tristesse », a-t-il dit dans un communiqué.

Après avoir promis de « punir » les responsables de l'attaque, il a annoncé le retrait des détecteurs d'explosifs dont l'efficacité avait été mise en doute et ordonné au ministère de l'Intérieur d'accélérer le déploiement d'un dispositif pour contrôler plus efficacement les véhicules à toutes les entrées de Bagdad, où se pressent chaque jour des milliers de poids lourds et de voitures particulières.

Ordre pas reçu

Mais des soldats et des policiers postés à certains points de contrôle de Bagdad portaient toujours les détecteurs inefficaces, en affirmant qu'ils n'avaient pas encore reçu l'ordre de ne plus les utiliser.

Dans sa revendication, l'EI a indiqué que le kamikaze irakien avait visé un rassemblement de chiites, communauté musulmane majoritaire en Irak et considérée comme hérétique par le groupe ultra-radical sunnite.

Cette attaque démontre que l'EI reste capable de commettre des actions très meurtrières au coeur même de Bagdad malgré les revers militaires qu'il subit sur le terrain depuis plusieurs mois.

Le groupe djihadiste a ainsi perdu ses principaux bastions, dont les villes de Tikrit, Ramadi et Falloujah, cette dernière ayant été reconquise par les forces irakiennes le 26 juin avec le soutien de la coalition internationale conduite par les États-Unis.

L'attentat de Bagdad a été dénoncé par de nombreux responsables étrangers, dont l'envoyé de l'ONU pour l'Irak, Jan Kubich, qui l'a qualifié d'« acte lâche et odieux aux proportions inégalées ».

Le nouveau carnage intervient en pleine tourmente politique, M. Abadi tentant depuis des mois de convaincre les partis de mettre en place les réformes réclamées par les Irakiens.