En plein désert syrien, les djihadistes du groupe État islamique (EI) ont écrit sur un mur encore debout du monastère de Mar Elian: «Les lions du califat sont venus vous dévorer». Mais ce weekend, ils ont dû fuir devant l'offensive de l'armée.

Le monastère de Mar Elian est situé dans la ville d'Al-Qaryatayn, qui était un des symboles de la coexistence entre chrétiens et musulmans en Syrie.

Datant du 5e siècle, une des deux églises du monastère, construite en pierres sèches et en briques crues, n'est plus qu'un monceau de gravas, a pu constater une équipe de l'AFP qui s'est rendue sur les lieux lundi.

L'EI l'a détruite en août 2015, utilisant explosifs et bulldozers, «sous prétexte que les gens y adoraient un autre dieu que Dieu».

Le crâne et les ossements de Mar Elian, un saint chrétien de Homs (centre de la Syrie) martyrisé par les Romains pour avoir refusé d'abjurer sa religion, sont dispersés sur le sol ainsi que le couvercle de son sarcophage orné de deux croix et brisé.

«Il s'agit bien de son sarcophage et de ses ossements» a affirmé le père Jacques Mourad, responsable du monastère syriaque catholique, joint par téléphone en Italie après avoir vu les photos qui lui ont été envoyées par l'AFP via WhatsApp.

Ce prêtre avait réussi à s'échapper des griffes de l'EI en octobre 2015, après être resté 84 jours aux mains de cette organisation qui lui promettait la mort s'il refusait de se convertir à l'islam.

Rempli de souffrance

«Je suis rempli de souffrance et ma position c'est d'être en silence car face à tout ce qui se passe, le silence est la parole la plus juste», a-t-il dit à l'AFP.

L'entrée et l'intérieur de la nouvelle église du monastère, inaugurée le 9 septembre 2006 en présence de personnalités religieuses chrétiennes et musulmanes, sont totalement calcinés. Des solives pendent au plafond et la pierre qui servait d'autel est brisée.

Le monastère avec ses 16 chambres est partiellement détruit par les bombardements et dans le réfectoire sont rassemblés casseroles et plats qu'utilisaient les djihadistes pour leur cuisine.

Dans une petite pièce, sont réunis dans des sachets des ossements, auparavant retrouvés par les archéologues dans deux cimetières mamelouk et ottoman qui jouxtaient le monastère, a expliqué à l'AFP May Mamarbachi, qui a participé il y a dix ans à la remise en état du lieux.

D'après le père Mourad, deux autres églises du centre de la ville d'Al-Qaryatayn, l'une syriaque orthodoxe et l'autre catholique, ont été incendiées la première semaine de l'arrivée des djihadistes.

Ville carrefour 

Reconquise dimanche par l'armée, Al-Qaryatayn était l'un des derniers fiefs de l'EI dans Homs, la plus grande province de Syrie.

Un général sur place explique à l'AFP que la ville de 30 000 habitants avant la guerre (dont 900 chrétiens) était importante car elle se trouvait au carrefour des provinces de Damas, de Homs et des montagnes du Qalamoun, à cheval entre la Syrie et le Liban

«Avec la prise de cette localité, l'armée coupe toutes les routes que Daech (acronyme arabe de l'EI) utilisait pour se mouvoir», a-t-il ajouté.

Selon lui, les djihadistes se sont retirés à l'est d'Al-Qaryatayn «et l'armée les pourchasse».

Après 10 mois de présence de l'EI, «la bataille a été rendue plus facile après la prise il y a une semaine de Palmyre», à 90 km à l'est.

Comme à Palmyre, la ville d'Al Qaryatain est totalement déserte. Les devantures des magasins sont défoncées, les immeubles sont perforés ou effondrés, en raison de l'intensité des combats.

«L'EI restera et s'étendra», slogan du groupe ultraradical est resté gribouillé sur des murs. Sur la chaussée, des drapeaux noirs de l'EI ont été brûlés.

Sur les 900 chrétiens, 277 étaient restés malgré l'arrivée de l'EI. Parmi eux, un a été exécuté, 10 ont été tués dans des bombardements et cinq sont toujours prisonniers. Le reste a réussi à s'échapper fin 2015, selon le père Mourad.

Al-Qaryatayn («les deux villages en arabe) était le symbole de la coexistence entre chrétiens et musulman.

La légende veut qu'avec l'arrivée des Arabes au 6e siècle, l'une des deux grandes familles de la ville chrétienne s'est convertie à l'islam, l'autre restant chrétienne, pour se protéger mutuellement.