Une heure seulement après le feu vert du Parlement, la Grande-Bretagne a conduit dans la nuit de mercredi à jeudi ses premières frappes aériennes en Syrie contre des installations pétrolières du groupe État islamique (EI).

Les députés venaient à peine de quitter la Chambre des communes lorsque quatre Tornado de la Royal Air Force, assistés par un drone Reaper, ont décollé dans la nuit de Chypre pour frapper six cibles sur le champ pétrolier d'Omar, à environ 50 kilomètres de la frontière irakienne.

«Ces raids ont infligé des dommages réels aux ressources pétrolières dont dépendent les finances des terroristes», a affirmé le ministre de la Défense, Michael Fallon.

La mission des chasseurs-bombardiers s'est terminée à l'aube. Avec «succès» selon les premières analyses du ministère de la Défense. «Plusieurs de ces champs pétroliers avaient déjà été efficacement visés par d'autres membres de la coalition. Les avions et les armements de la RAF sont particulièrement adaptés à ce type de cible par leur capacité à limiter les dommages collatéraux», a-t-il dit.

À peine les premiers avions rentrés à leur base chypriote d'Akrotiri, deux Tornado supplémentaires et six avions de combat Typhoon ont décollé du Royaume-Uni pour venir doubler la capacité britannique dans la région.

«Des Tornado à l'aube», a titré le Sun en anticipant les premières frappes, alors que tous les journaux revenaient sur l'appui plus large que prévu des députés à l'extension de l'Irak à la Syrie des frappes contre l'EI.

Le vote, intervenu vers 22 h 30 GMT (17 h 30, heure de Montréal) après plus de dix heures d'un débat passionné dans une chambre bondée, a été acquis par 397 voix pour, 223 voix contre.

La majorité confortable a été rendue possible par l'apport des voix de dizaines de députés travaillistes, qui, libres de leur choix, se sont joints aux conservateurs.

«C'est la bonne décision»

La tirade enflammée en faveur des frappes d'Hilary Benn, responsable des Affaires étrangères au Labour, a été accueillie par un tonnerre d'applaudissements. Placé un mètre derrière lui, son leader Jeremy Corbyn, opposé aux raids, a encaissé le coup.

Le premier ministre David Cameron a plaidé pour que le pays prenne ses responsabilités et soutienne ses alliés. En particulier la France, meurtrie par les attentats à Paris, et qui a elle-même intensifié ses frappes en Syrie.

Le président français François Hollande a tout de suite salué cette «nouvelle réponse à l'appel à la solidarité des Européens». Les États-Unis et la Russie, déjà engagés au-dessus de la Syrie, ont également exprimé leur satisfecit.

La Grande-Bretagne devient le sixième membre de la coalition internationale à bombarder l'EI à la fois en Irak et en Syrie. Environ 8300 raids aériens ont été conduits en un an, dont plus de 80 % ont été assurés par les États-Unis.

«C'est la bonne décision», a assuré David Cameron, partisan de cette extension depuis des mois, mais qui attendait d'avoir la garantie d'un consensus au Parlement.

Celui-ci avait rejeté, fin août 2013, des frappes aériennes contre le régime de Bachar al-Assad en Syrie, échaudé par les opérations en Afghanistan et en Irak en 2003 lancées sous l'ex-premier ministre travailliste Tony Blair.

«Nous ne devons pas utiliser les erreurs du passé comme excuse à l'indifférence et à l'inaction», a plaidé David Cameron.

Apport «marginal»

Le premier ministre a ajouté que la contribution militaire de son pays pourrait «faire une vraie différence», grâce notamment à l'utilisation de missiles de précision Brimstone.

Les experts s'accordent pourtant à dire que l'apport de la Grande-Bretagne sera «marginal».

«Une participation aux frappes sera importante symboliquement et utile opérationnellement, elle ne changera pas le cours de la guerre», a souligné Malcolm Chalmers, directeur de recherche à l'institut RUSI.

La décision d'intervenir en Syrie est loin de faire l'unanimité au Royaume-Uni.

Le soutien de l'opinion publique, fort au lendemain des attentats meurtriers à Paris, a faibli : d'après un sondage de l'institut YouGov publié mercredi, 48 % des sondés soutiennent une intervention en Syrie, contre 59 % une semaine auparavant.

«Ne bombardez pas la Syrie!» «Nous voulons la paix!», ont scandé quelque 2000 manifestants devant le Parlement mercredi soir, avant de huer le résultat.

Les experts de Chatham House, Tim Eaton et Chris Phillips, déplorent une «réaction impulsive» et pointent «le manque de stratégie réfléchie à long terme».

Même le quotidien conservateur The Times publiait jeudi un éditorial de Matthew Parris relevant amèrement que la seule justification donnée était «que la Grande-Bretagne ne doit pas rester à l'écart». «La Grande-Bretagne, écrit-il, va bombarder parce que c'est le genre de choses qu'on fait. Mais ça n'apportera rien à la campagne alliée et tout ça va se terminer dans un sacré bordel».