Les forces kurdes irakiennes ont repris vendredi à la faveur d'une offensive éclair la ville de Sinjar au groupe armé État islamique (EI), coupant ainsi une route stratégique de communication utilisée par les djihadistes entre l'Irak et la Syrie voisine.

«Je suis ici pour vous annoncer la libération de Sinjar», a déclaré le dirigeant de la région autonome du Kurdistan irakien (nord), Massoud Barzani, lors d'une conférence de presse près de Sinjar, une cité du nord de l'Irak proche de la frontière syrienne.

Juste avant lui, le secrétaire d'État John Kerry s'est dit «absolument confiant» que Sinjar serait libérée alors que l'offensive kurde était soutenue par des frappes de la coalition internationale menée par les États-Unis et des conseillers militaires américains sur le terrain.

Sinjar est située sur un axe qui relie Mossoul (nord), fief de l'EI en Irak, aux territoires contrôlés par ce groupe en Syrie et notamment Raqqa - capitale de facto de l'organisation -, et qui permettait aux djihadistes de faire circuler matériel et hommes entre les deux pays où ils contrôlent de vastes territoires.

Dans la matinée, des centaines de combattants kurdes en tenues de camouflage et armés de fusils d'assaut et de mitraillettes y ont pénétré à pied, selon un journaliste de l'AFP sur place.

Ils portaient des drapeaux du Kurdistan, à l'est de Sinjar, tirant en l'air et criant: «Longue vie aux peshmergas!» et «Longue vie au Kurdistan!»

La localité présentait un spectacle de désolation avec des maisons, voitures et magasins détruits. Des graffitis de djihadistes, notamment «L'État islamique», étaient peints sur certaines maisons.

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«Étape cruciale»

«Sinjar a été libérée par le sang des peshmergas et fait désormais partie du Kurdistan», a ajouté M. Barzani dont les déclarations risquent de provoquer l'irritation du pouvoir central à Bagdad.

À la faveur de l'offensive fulgurante de l'EI en juin 2014 au nord de Bagdad qui avait vu la fuite des forces fédérales irakiennes, les forces kurdes avaient pris le contrôle de certaines zones disputées avec le pouvoir central irakien.

Jeudi, le colonel américain Steve Warren, porte-parole de la coalition, avait expliqué qu'une prise de Sinjar permettrait «de couper la ligne de communication et affectera la capacité (de l'EI) à se réapprovisionner». Il a aussi parlé d'«une première étape cruciale dans l'éventuelle libération de Mossoul».

Cette victoire est également importante symboliquement, après que l'EI s'est livré en août 2014 à Sinjar à de multiples exactions contre sa population yézidie, des kurdophones.

Aidés par des combattants yézidis et les raids de la coalition, des milliers de combattants kurdes (peshmergas) avaient lancé l'offensive jeudi. Des conseillers militaires américains étaient aussi présents «sur la montagne de Sinjar pour aider» les peshmergas «à sélectionner les cibles pour les frappes aériennes», selon le Pentagone.

La coalition a mené 36 frappes dans le secteur de Sinjar mercredi et jeudi, et 15 de l'autre côté de la frontière, dans la ville syrienne d'Al-Hol, où les forces syriennes kurdes et leurs alliés arabes combattent aussi l'EI.

Kamikazes et tireurs d'élite

Selon le commandant peshmerga Khalaf Murad Atto, des kamikazes de l'EI se trouvent encore à Sinjar. Un combattant yézidi, Rasho Murad, a indiqué que les tireurs d'élite et les bombes demeuraient également une menace.

Un officier des renseignements militaires américains avait fait état jeudi de 300 à 400 djihadistes restés dans Sinjar.

L'une des tâches qui attendent les forces kurdes est le désamorçage des engins piégés, une tactique utilisée par l'EI pour empêcher ses ennemis d'entrer dans une ville. Elles devraient aussi établir une «zone tampon» pour protéger la ville et ses habitants.

Cette offensive intervient alors que l'EI est aussi sous pression en Syrie, où la Russie a lancé des raids aériens en soutien au président Bachar al-Assad.

L'opération «paralyse l'ennemi», qui «doit prendre maintenant des décisions très difficiles» sur les fronts qu'il doit renforcer, a assuré Steve Warren.

Lors de son offensive en août 2014 sur Sinjar, l'EI avait exécuté de nombreux Yézidis. Des centaines de femmes yézidies avaient été vendues aux djihadistes ou réduites à l'état d'esclave sexuelle, selon Amnistie internationale. L'ONU avait dénoncé «une tentative de génocide».

Des dizaines de milliers de Yézidis s'étaient réfugiés sur les monts Sinjar, où ils ont passé des semaines sans eau ni nourriture, par une chaleur accablante.

Ailleurs en Irak, un kamikaze a fait détoner sa ceinture explosive lors de funérailles d'un combattant chiite à Bagdad, tuant 19 personnes, ont indiqué des responsables.

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