L'administration américaine entend intensifier son offensive contre le groupe État islamique (EI) en Irak et en Syrie et promet d'utiliser au besoin ses propres forces terrestres pour parvenir à ses fins.

Lors d'une intervention devant une commission sénatoriale, mardi, le secrétaire à la Défense, Ashton Carter, a déclaré que son pays pourrait mener lui-même des «actions directes au sol» contre des cibles d'intérêt.

Il a précisé par ailleurs que les États-Unis entendaient augmenter la fréquence et l'intensité des frappes aériennes contre l'organisation extrémiste grâce à l'ajout d'appareils.

M. Carter n'a pas précisé l'ampleur du déploiement de troupes terrestres envisagé ni la nature des troupes en question.

L'annonce survient une semaine après qu'un soldat américain a été tué lors d'une offensive menée dans le nord de l'Irak pour libérer des otages de l'EI qui étaient apparemment sur le point d'être exécutés.

Le Pentagone avait alors indiqué que la présence de soldats américains aux côtés de troupes irakiennes s'expliquait par les «circonstances uniques» de l'intervention et ne représentait pas une rupture avec la stratégie annoncée l'année dernière par le président Barack Obama.

Le chef d'État avait précisé, en lançant la campagne aérienne contre l'EI, qu'il n'était pas question d'envoyer des troupes au sol en première ligne.

Henri Barkey, spécialiste du Moyen-Orient rattaché au centre Woodrow Wilson, à Washington, ne pense pas que les États-Unis vont envoyer des soldats réguliers.

Forces spéciales

La stratégie retenue est plutôt d'accroître la présence de membres des forces spéciales qui viendront apporter un soutien aux combattants kurdes et aux milices alliées qui se trouvent aux premières loges des affrontements.

L'intensification de l'action américaine était prévue, selon M. Barkey, depuis des mois. «Les États-Unis ont transféré vers des bases en Turquie d'importantes quantités d'équipement et de matériel, ainsi que des forces spéciales» en vue d'accroître leur effort militaire contre l'EI.

Le secrétaire à la Défense américain a précisé que la reprise de la ville de Ramadi, en Irak, et celle de la ville de Raqqa, en Syrie, sont désormais des objectifs prioritaires.

La situation à Ramadi est compliquée par le fait que les États-Unis doivent miser sur des milices chiites fort peu populaires auprès de la population locale.

L'offensive contre Raqqa, considérée comme une place forte de l'EI, s'annonce particulièrement difficile.

«Ça va être sanglant. C'est une ville avec une importante population civile. Les membres de l'EI vont se cacher dans les maisons, placer des pièges explosifs, lancer des attaques suicides», souligne M. Barkey.

Il s'attend à ce que les Kurdes syriens, qui ont déjà croisé le fer avec l'organisation extrémiste pour reprendre le contrôle de la ville de Kobané, mènent la charge lors d'une telle offensive avec le soutien des forces américaines.

Diplomatie

L'annonce du gouvernement américain survient sur fond d'intenses activités diplomatiques.

Un sommet est prévu demain à Vienne pour discuter du conflit syrien et explorer des pistes de sortie de crise. L'Iran, qui soutient économiquement et militairement le régime de Bachar al-Assad, sera présent aux négociations pour la première fois. La Russie, qui a récemment lancé une campagne de bombardement pour soutenir le régime, participera également au sommet.

Mokhtar Lamani, diplomate de carrière qui a été en poste en Irak et en Syrie, est plutôt pessimiste quant aux chances de rapprochement entre Assad et les multiples groupes rebelles qui combattent son régime.

Le fractionnement extrême de la société syrienne, dit-il, complique grandement la recherche d'une solution pacifique.

La même difficulté existe en Irak, où les tensions sectaires ayant contribué à l'émergence de l'EI demeurent extrêmement vives, relève M. Lamani.

Selon lui, les visées des acteurs régionaux et internationaux qui sont actifs dans ces crises demeurent trop divergentes pour laisser espérer un apaisement.