Le premier ministre yéménite est sorti indemne mardi à Aden des premières attaques revendiquées par le groupe État islamique (EI) dans le sud du Yémen, qui ont coûté la vie à des soldats de la coalition arabe.

Si Khaled Bahah a réchappé à la spectaculaire attaque contre l'hôtel où siège son gouvernement, quinze soldats de la coalition arabe et membres des forces loyalistes yéménites sont morts quand deux sites militaires des forces saoudiennes et émiraties ont été visés.

Dans sa revendication en ligne, l'EI a parlé de «quatre attentats suicide» contre trois cibles, contredisant la version donnée plus tôt dans la journée par des responsables yéménites et la coalition arabe qui ont évoqué des attaques à la roquette sur les mêmes cibles.

Selon le groupe djihadiste, deux kamikazes ont visé l'hôtel Qasr et deux autres ont attaqué tour à tour, chacun au volant d'un véhicule blindé piégé, le QG des forces saoudiennes et émiraties et celui de «l'administration militaire des Émirats» dans la deuxième ville du pays.

L'EI affirme aussi avoir tué «des dizaines» de personnes parmi les militaires de l'Arabie saoudite et des Émirats, les deux principaux piliers de la coalition arabo-sunnite qui intervient depuis mars pour empêcher les rebelles chiites Houthis de prendre le contrôle de l'ensemble du Yémen.

Pour étayer sa revendication, le groupe djihadiste a mis en ligne les photos de quatre combattants présentés comme les kamikazes et une image d'un hôtel en feu.

Roquette Katioucha

Jusqu'à présent, l'EI avait mené des attentats sanglants dans le nord du Yémen, dont la capitale Sanaa, en s'en prenant principalement à des chiites -notamment des Houthis ou leurs sympathisants- qu'il présente comme des hérétiques.

Le groupe ultraradical sunnite n'avait pas encore revendiqué d'attaques dans le sud de ce pays, où opère Al-Qaïda, ni contre les forces de la coalition arabe menée par Riyad.

Selon des responsables yéménites, l'hôtel Qasr a été touché tôt le matin par «deux roquettes» -une attaque qui a tué deux gardes de l'établissement d'après des sources médicales- et les deux sites tenus par la coalition arabe ont eux été la cible «de deux autres roquettes».

Dans un communiqué publié à Riyad, le commandement de la coalition arabe a parlé d'attaques «à la roquette Katioucha» qui ont entraîné «une riposte» et la «destruction des véhicules de lancement».

«Quinze soldats de la coalition et de la "résistance" yéménite (NDLR les forces progouvernementales)» ont été tués, a rapporté l'agence officielle émiratie WAM en imputant la responsabilité aux «Houthis et à leurs alliés», des militaires restés fidèles à l'ex-président yéménite Ali Abdallah Saleh.

Quatre militaires émiratis figurent parmi les victimes, selon le commandement de l'armée d'Abou Dhabi cité par WAM.

La coalition a de son côté fait état de la mort de trois soldats émiratis et d'un militaire saoudien.

«Le gouvernement restera à Aden»

Ces attaques illustrent l'insécurité persistante dans le sud du Yémen, repris cet été aux Houthis, malgré les propos de responsables du Golfe affirmant encore la semaine dernière qu'Aden était «pacifiée» et «sûre».

Elles ne remettront toutefois pas en cause la présence à Aden du gouvernement yéménite, qui s'y est installé en septembre et en a fait la capitale provisoire du pays après six mois d'exil en Arabie saoudite.

«Le gouvernement restera à Aden», a déclaré à l'AFP le ministre de la Jeunesse et des Sports Nayef al-Bakri, précisant que le premier ministre n'avait «pas été touché». Les membres du gouvernement, dont certains «légèrement blessés», «ont été déplacés vers un endroit sûr», a-t-il ajouté.

Cinq provinces du sud, dont celle d'Aden, ont été reprises depuis juillet aux rebelles par les forces gouvernementales et les troupes de la coalition arabe qui interviennent au sol et dans les airs.

Les rebelles restent maîtres du nord du pays et de la capitale Sanaa mais les combats font rage ailleurs.

Selon l'ONU, le conflit au Yémen a fait quelque 5000 morts et 25 000 blessés, dont de nombreux civils, et provoqué une grave crise humanitaire.

Environ 1,3 million de personnes ont été déplacées par les combats à travers le pays, le plus pauvre de la péninsule arabique, et l'ONU a annoncé mardi que quelque 114 000 personnes avaient fui le Yémen depuis mars, vers Djibouti, l'Éthiopie, la Somalie, le Soudan, l'Arabie Saoudite et Oman.